jeudi 18 décembre 2008

Droit dans les yeux: Burkinabè, attention à vos terres !

Droit dans les yeux
Burkinabè, attention à vos terres !


Depuis longtemps déjà, de nombreuses multinationales ont commencé à acheter des terres dans le monde entier par milliers d’hectares, sinon par millions…
Volkswagen (Allemagne) a acheté des milliers d’hectares au Brésil
Benetton a acquis 900.000 hectares en Patagonie (Argentine)
Soros (milliardaire des Etats-Unis) et Stallone veulent y faire la même chose au détriment du peuple Mapuches.
Les Emirats Arabes Unis ont acquis d’immenses prpriétés au Pakistan, en Indonésie, aux Philippines…


Ces sociétés ont de l’argent, beaucoup d’argent et veulent diversifier leurs investissements.
Avec la « crise alimentaire » qui frappe la planète actuellement, elles veulent se garantir pour elles, et pour les pays riches qui manquent de terres, des bénéfices substantiels sur la nourriture à produire (qui va manquer) ou sur les agro-carbuants si le prix du pétrole remonte (et il va remonter).
Elles veulent garantir aussi leur propre accès à la nourriture (aujourd’hui menacé) en achetant des terres dans les pays pauvres. Qui ne savent pas ou ne peuvent pas se défendre. Et dont les dirigeants ne perçoivent pas l’enjeu à long terme de ces ventes, mais seulement un éventuel petit bénéfice à court terme.
Ce qui se prépare est ceci : « En vendant ainsi leurs terres, les Etats pauvres vont produire de la nourriture pour les pays riches aux dépends de leur propre population affamée. » (Jacques Diouf de la FAO) Cela fait penser à la famine d’Irlande de 1850 : pendant qu’un million d’Irlandais mourraient de faim, les gros fermiers anglais exportaient du blé de ce pays….


A Madagascar, Daewoo Logistics (Corée du Sud) a ce genre de projet : C’est Daewoo même qui apporte les précisions et la nouvelle a été reprise dans la presse anglophone, Financial Times et BBC en tête. Les Coréens du Sud veulent louer pour 99 ans des terrains arables à Madagascar d’une surface de 1.300.000 (un million trois cent mille) hectares pour la culture du maïs et la production d’huile de palme.. La surface louée (13.000 km2) représente l’équivalent de presque la moitié de la Belgique.
Ou encore de la moitié des surfaces cultivables à Madagascar. C’est énorme !
La main d’œuvre spécialisée serait sud-africaine
La production serait destinée avant tout à la Corée du Sud."


Ainsi, la flambée des prix alimentaires à l'échelle mondiale (qui est prévue pour durer) a d'ores et déjà déclenché une deuxième "ruée vers l'Afrique" : Une nouvelle colonisation est en cours en Afrique. Et Madagascar n’est pas seule.
Le Soudan cherche également à attirer des investisseurs pour 900 000 hectares de terres ; le Premier ministre d'Ethiopie cherche des investisseurs saoudiens ; d'immenses terrains en Tanzanie ont également éveillé l'intérêt de sociétés occidentales qui s'intéressent à la production de biocarburants.
« Mais le problème, c'est que, dans cette ruée vers les terres, aucune place n'est accordée aux petits exploitants. » (Oxfam)
Les détails des accords fonciers sont généralement tenus secrets, si bien qu'on ne sait pas s'ils prévoient des garanties pour les populations locales.
De fait, des terres agricoles fertiles sont de plus en plus privatisées et concentrées. Si elle devait rester incontrôlée, cette main basse sur les terres à l’échelle planétaire pourrait sonner le glas des petites exploitations agricoles et des moyens de subsistance ruraux dans bien des régions du monde et particulièrement en Afrique.

Au Burkina Faso aussi, il faut rester extrêmement vigilant. Des contrats pour l’octroi de terres agricoles ont été signés avec la société AgroEd, par exemple, qu’en est il aujourd’hui ? D’autres sociétés privées ont également obtenu des terres.
Des personnalités et des opérateurs économiques riches achètent également les meilleures terres agricoles et en « chassent » de fait les petits paysans pour qui c’était leur seul instrument de subsistance. Ou bien ils les transforment en travailleurs agricoles sous-payés. «Mais, mon père, je les paie 100.000 F par an » (même pas 10.000 F par mois !) me disait récemment, sans honte, dans mon bureau, une personnalité de Yako.
L’association SOS Sahel International s’en est émue lors de sa dernière assemblée générale et son président n’a pas caché qu’il n’est pas souhaitable qu’un ministre rachète des terres… qu’il ne convient pas que ce soit les membres du gouvernement qui rachètent les bonnes terres…

N’y a-t-il rien à faire ? Pas si sûr.
En Ouganda, le gouvernement avait vendu une partie d’une « réserve » à des sociétés indiennes pour y planter de la canne et construire une usine de sucre. Les populations qui avaient été interdites de prélever quoique ce soit dans cette réserve s’y sont opposées… et avec succès.
En Inde, l’industriel TATA n’a pu faire aboutir l’expulsion de dizaines de paysans pour obtenir le terrain industriel où produire sa « voiture pas chère ». Ils s’y sont opposés avec succès.
Priver un paysan de sa terre sans une contrepartie qui lui permette à long terme de faire subsister sa famille, c’est le condamner à la misère, lui et sa famille.

(Pour ces questions, voir aussi : « grain.org », « abcburkina.net » et « fr.news.yahoo.com/13/20081127 »…)
Père Jacques Lacour (BP 332 Koudougou) le 11-12-2008
jacqueslacourbf@yahoo.fr

publié exceptionnellement le mercredi 17 décembre 2008 dans le journal "Le Pays", rubrique "Droit dans les yeux".

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