mercredi 10 décembre 2008

Droit dans les yeux Le CSLP (Cadre Stratégique de lutte contre la pauvreté) est il encore crédible ?

Droit dans les yeux

Le CSLP (Cadre Stratégique de lutte contre la pauvreté)

est il encore crédible ?

Voilà un « cadre stratégique » que je vois critiqué très fort partout et qui semble particulièrement inefficace pour lutter contre la « pauvreté » qui augmente régulièrement dans notre pays. Si l’analyse de la « pauvreté » et de ses indicateurs renseigne le lecteur attentif, les solutions proposées dans ce document sont inopérantes et inefficaces. Mais pourquoi cela ? Au moment même où toutes sortes d’activités sont présentées tous les jours sous nos yeux comme participant à la lutte contre la pauvreté, et la pauvreté progresse !


Le libéralisme est une machine à fabriquer les pauvres

Ce cadre stratégique est encore un programme politique imposé de l’extérieur, par la Banque Mondiale et le FMI, dans la continuité des PAS (plans d’ajustements structurels) qui imposent tout un tas de conditions qui ne peuvent en aucun cas faire reculer la pauvreté, mais qui, au contraire, fabriquent des pauvres : privatisations, désengagement de l’Etat, transfert des charges fiscales de la douane vers l’impôt, liberté totale du commerce, libre échange, importations de produits agricoles qui ruinent notre agriculture, exportation de produits bruts sans plus value…

On a vu en quelques années que l’imposition de cette politique libérale, dont se réclament Blaise Compaore, Tertius Zongo, le gouvernement et le CDP, n’a fait qu’enrichir les riches et appauvrir les pauvres ; et tout particulièrement les ruraux qui représentent 80% de la population et que l’Etat a complètement laissé tomber.

Jamais un programme politique imposé de l’extérieur n’a marché au Burkina (peut être même en Afrique). Et tant qu’on créera des programmes pour les pauvres sans les pauvres, ça ne marchera pas. Et le CSLP n’a pas marché.


Le monde rural familial n’est pas pris en compte

Le monde rural qui représente 80% de la population et son accès à un revenu décent pour créer un marché intérieur n’est pas pris en compte ; sécuriser les paysans sur leurs terres et rémunérer leur production à son juste prix, comme le font tous les grands pays du monde, est la condition première d’un « développement » de notre pays. Le gouvernement a choisi de favoriser l’agrobusiness, l’accaparement des terres par une minorité, les OGM et les firmes internationales au détriment des exploitations familiales : l’exode rural, la fuite des jeunes vers la ville en sont la conséquence directe et créent de nouvelles catégories de pauvres. La machine à fabriquer les pauvres continue de fonctionner, aucun CSLP n’y pourra rien contre elle si on ne l’arrête pas.

Les partenaires ne sont pas vraiment contents des résultats
Lorsque les autorités du Burkina ont rencontré leurs « partenaires » techniques et financiers le 17 octobre dernier à propos du CSLP, les comptes rendus de presse ont été particulièrement éloquents.
« On peut s’inquiéter de l’impact de ces politiques économiques sur la réduction de la pauvreté. Cela est d’autant plus effrayant que l’incidence de la pauvreté, elle, pourrait augmenter de 2 points en passant de 42,6% à 44,5%. Cela dénote que l’avancée de la pauvreté dans notre pays devient préoccupante. Dans un tel cas de figure, on est en droit de se demander si effectivement les subventions censées aider les couches les plus démunies ne contribuent pas à renforcer les inégalités dans la distribution des revenus de la croissance… des défis restent à relever comme la gestion des marchés publics et la réforme du système judiciaire… ils ont constaté un manque de communication envers les populations, ce qui limite les effets. Il y a donc nécessité de mettre en place un contrôle et un suivi de l’application de ces mesures… Là où les PTF sont plus critiques, c’est au niveau de l’élargissement des opportunités en matière d’emploi et d’activités génératrices de revenus »
Une fois lu ce document, que reste-t-il du CSLP ? Qu’est ce que les pauvres ont gagné ? Malgré les réponses du PM, on est bien obligé de constater que bien peu de choses ont changé pour les pauvres.

La déception des OSC qui collaborent au CSLP
Pour elles, les efforts du gouvernement restent en deçà des attentes. "Le rapport d’étape 2008 de mise en œuvre du CLSP laisse apparaître une incidence de la pauvreté de 42,6% en 2007 contre un objectif de 39,2%. En 2006, l’incidence était de 42,1%. Cette situation s’explique, entre autres, par le fait que le secteur primaire (80% de la population) a connu une croissance négative entre 2006 et 2007". Le CDC/CSLP pense que la situation de pauvreté est aussi liée à la faible implication des populations dans le choix des politiques, mais également le suivi de la mise en œuvre, car, le plus souvent, on se dit qu’elles n’ont pas les moyens de le faire et on se limite à ces préjugés ».
Un cadre stratégique imposé du dehors, le monde rural (secteur primaire) abandonné, les populations et surtout les pauvres pas associés. La pauvreté qui progresse. Mais à quoi sert donc le CSLP ? Et les OSC (assez peu nombreuses) qui ont accepté de collaborer à ce travail sont déçues par l’action du gouvernement. Comment ne pourraient elles pas l’être ?

On construit des « quartiers de riches » à Ouaga où les pauvres ne sont pas invités ; il y a de plus en plus d’« écoles privées de riches » où les pauvres n’auront jamais accès parce que c’est trop cher ; il y a des cliniques privées pour les « riches » à des coûts exorbitants ; les grosses exploitations agricoles qui accaparent les meilleures terres se multiplient ; l’écart riches/pauvres n’existait pas à ce point il y a vingt ans ; il se creuse et risque de devenir une « bombe à retardement » bien plus dangereuse encore que la prétendue « bombe démographique ». Et le CSLP n’y aura rien fait.

Père Jacques Lacour (BP 332 Koudougou)
jacqueslacourbf@yahoo.fr

publié dans la rubrique droit dans les yeux du quotidien le Pays du mardi 9 décembre 2008

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