mercredi 24 décembre 2008

Droit dans les yeux : Une école « pour tous » et plus « solidaire »

Droit dans les yeux :

Une école « pour tous » et plus « solidaire »


J’ai eu le bonheur, mais il y a un peu longtemps déjà, d’enseigner au Burkina. J’ai vécu ce temps comme une découverte extraordinaire qui m’a poussé et me pousse encore à réfléchir sur les enjeux des méthodes pédagogiques pratiquées dans l’enseignement. Non pas celles qui sont enseignées aux maîtres seulement, mais celles qui sont pratiquées effectivement. Elles sont diverses, parfois mêlées, mais jamais innocentes. Et je suis sûr que ce papier fera réagir beaucoup d’enseignants.


Il y a d’abord la « méthode autoritaire » : il s’agit de « soumettre » l’élève au maître ; on privilégie alors une très rigoureuse discipline, une totale obéissance au maître. Il est malvenu de poser des questions ; il faut apprendre par cœur et tout « recracher » tel qu’on l’a reçu ; on frappera éventuellement les enfants pour les corriger. La punition est essentielle. On imagine alors l’enthousiasme avec lequel un élève part à l’école, avec parfois 4 vêtements en espérant amortir les coups. Les élèves ainsi formés viennent vous saluer en regardant à terre, croisant les bras et faisant une éventuelle courbette….


Il y a ensuite la « méthode libérale » : il s’agit, dans une classe de 100 élèves ou plus, de repérer au plus vite les meilleurs et de s’occuper d’eux. De donner des notes et de faire des classements. Que le meilleur gagne et… tant pis pour les autres. On n’a ni le temps ni les moyens de s’en occuper. Une sorte de « réalisme » qui cadre bien avec l’idéologie en cours… qui permet (éventuellement) aux meilleurs de réussir par une forte concurrence entre eux, mais qui laisse la plus grande partie au bord de la route. L’école fabrique ainsi les aigris et les frustrés parce que, de fait, elle les rejette.


Il y a aussi la « méthode solidaire » : dans la même classe de 100 élèves, le maître, également débordé, charge ceux qui ont compris d’expliquer aux autres (éventuellement dans leur langue maternelle)… et il se passe parfois des miracles. Et voilà toute une « classe d’âge » qui s’entraide pour l’acquisition du savoir sous la direction d’un maître qui éveille à la créativité, au partage du savoir et à la solidarité (les plus faibles sont encouragés). Les notes ne sont que des indicateurs de progrès personnels, jamais pour se comparer aux autres.


Bien sûr, ce n’est jamais aussi simple. Les élèves me réclamaient du « par cœur », des « notes » et des « classements ». Le système le voulait, mais cela me répugnait. A quoi peut il également servir de frapper un enfant, sinon apaiser la colère du maître et révéler sa « non maîtrise » de soi ?

En discutant avec les élèves, ce sont toutes ces questions qui me reviennent sans cesse et que je vous confie : Quelle « école pour tous » voulons nous, pour faire les hommes et les femmes de demain ? Ensemble pour un Burkina de citoyens libres, éclairés, créatifs et solidaires…


Père Jacques Lacour (BP 332 Koudougou)

jacqueslacourbf@yahoo.fr


paru dans le quotidien "Le Pays" (édition papier) , rubrique "droit dans les yeux" du mardi 23 décembre 2008.

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