J'ai eu beaucoup de bonheur à être le rapporteur général de ce temps fort de la vie de l'église
Synthèse des travaux
De la troisième semaine sociale du Burkina
Au terme de cette rencontre de quatre jours, les 170 personnes venues participer à la 3° semaine sociale du Burkina rendent grâces à Dieu pour le nouvel élan que cette rencontre va leur donner.
Les participants représentaient les 13 diocèses du Burkina, de nombreuses congrégations et institutions religieuses ainsi que d’autres confessions religieuses et de nombreux services d’Etat. Deux évêques du Niger nous ont honorés de leur présence.
Musulmans et Evangéliques ont participé aux travaux et ont apporté leurs contributions à ce thème qui réunit tous les croyants : Lutter contre la corruption. Lutter contre la pauvreté.
« Ne cédez pas à la corruption sur la terre ; Dieu n’accueille pas l’illicite… » nous a dit notre frère musulman.
« Vous êtes le sel de la terre… », la réception de l’Evangile transforme les cœurs. Nous a témoigné notre frère évangélique.
Ce temps fort a permis en effet à tous les participants d’étudier, de travailler et de faire des propositions sur le thème de :
« Corruption et lutte contre la pauvreté au Burkina Faso
Contribution de l’Eglise Catholique ».
La corruption est un phénomène généralisé qui participe à l’appauvrissement économique et moral de nombreuses nations dans le monde, le Burkina n’est pas épargné et il était important d’en faire l’état des lieux et de proposer des pistes d’action pour ce sujet délicat, mais pas tabou.
Tous les pays du monde sont aux prises avec la pauvreté, d’une manière ou d’une autre et à des degrés divers, mais le Burkina l’est de façon toute spéciale et son récent classement 176°/177 par le PNUD interpelle fortement.
Sept conférences, deux panels et trois ateliers ont permis à tous les participants de mieux comprendre ces deux phénomènes, de poser les questions qui les préoccupent, de proposer des pistes de travail et de formuler des recommandations.
La visite d’un chantier de concassage de cailloux par des femmes à Pissy leur a révélé la précarité sanitaire et la dureté de ce métier qui rapporte peu. Les travailleurs pauvres sont légion au pays et mériteraient une réglementation protectrice.
A la séance d’ouverture, Monseigneur Thomas KABORE les a invités à « se laisser guider dans leurs travaux par l’Evangile… Ce monde de justice et de Paix que nous appelons de tous nos vœux, c’est un don de Dieu à demander, et pour lequel il nous faut aussi nous engager »
La corruption :
Les définitions de la corruption n’ont pas manqué, mais on retiendra ici surtout ses effets dévastateurs :
Elle crée des problèmes économiques et financiers, détruit le tissu social et solidaire, pervertit le système éducatif, discrédite l’autorité publique, sape les fondements de la société et peut mener jusqu’aux guerres civiles,
Elle engendre partout le soupçon,
Elle nie les droits de l’Homme et écrase les plus faibles
Elle affaiblit les institutions et fragilise la démocratie, elle confond bien public et bien privé
Elle fait croire que le succès vient des pots de vin et du favoritisme plus que de l’effort et du travail, elle décourage les meilleurs, elle inverse l’échelle des valeurs
Elle invente les paradis fiscaux, la fraude en tous genres. Elle recycle l’argent du crime.
Elle fait perdre 148 milliards de dollars à l’Afrique chaque année.
Dans une société qui exacerbe les désirs à des fins mercantiles,
Où la recherche de l’argent devient la seule valeur et le seul but
Dans une civilisation du clinquant et des apparences
Au Burkina, elle atteint tous les domaines : santé, éducation, transports et circulation routière, marchés publics, domaine foncier, justice, pièces administratives, douanes, impôts, détournements des moyens et matériels de l’Etat… On la trouve partout, même dans l’église…
Les témoignages d’un petit commerçant affronté à un contrôle fiscal disproportionné, d’un entrepreneur à qui on tarde à remettre son avis de réception des travaux, d’un religieux donnant une ramette de papier dans un bureau, d’un marché perdu pour refus de fausses factures, les sollicitations à un avocat… Tous ces témoignages ont interpellés très fort.
Ses causes sont nombreuses :
bas salaires, valeurs perdues (honnêteté, justice, tolérance, respect de la vie…), ignorance et « déficit d’éducation », disfonctionnements administratifs, impunité, coût social de l’intégrité, frustrations nées de l’écart riches/pauvres, « âpreté au gain » et recherche du profit à tout prix, gros risques à « dénoncer », les modèles importés d’ailleurs, l’influence des mass médias …
Du côté de l’Etat burkinabè, une récente étude montre l’étendue de la corruption et formule des recommandations validées à Ouahigouya en février 2008.
De très nombreuses structures sont mises en place, dont la dernière est l’Autorité Supérieure du Contrôle de l’Etat. Elles suscitent espérance, indifférence ou scepticisme…
La justice semble immobile (trop liée aux instructions ministérielles, aux soucis de carrière et aux collusions avec le milieu d’affaires… trop politisée…trop inefficace…) Elle ne se saisit pas, elle ne fait pas d’enquêtes.
Pourtant une stratégie peut être mise en place pour combattre la corruption
que seul peut mener un « peuple debout »:
= Etre persuadé que la corruption n’est pas une « fatalité ». (D’autres – comme le RENLAC – sont depuis longtemps dans cette lutte) ;
= Mobiliser à tous les niveaux, se regrouper pour être forts et vaincre la peur ;
= Nommer des hommes intègres aux postes importants (pour la « bonne gouvernance ») ;
= Refuser les gestes de corruption les plus simples (« qui vole un œuf vole un bœuf ») ;
= Instaurer partout la transparence financière et la culture du compte rendu et du contrôle. La culture du « secret » est à convertir ;
= Faire toute leur place aux femmes (« Il est internationalement reconnu que les femmes sont moins corrompues et tolèrent moins la corruption que les hommes ») ;
= Initier à l’éthique économique et politique ;
= Retrouver les valeurs africaines : partage, joie, solidarité…la solidarité n’est pas corruptible ;
= Promouvoir les « valeurs citoyennes ». Redevenir fiers d’être honnêtes ;
= Former des êtres spirituels, habités de convictions fortes, capables de ce combat ;
= Donner une formation morale et civique, l’apprentissage du service gratuit,… (Ecole, Familles, Paroisses) ;
La pauvreté
Comment la définir ?
Longtemps perçue comme le seul manque d’argent, on comprend mieux aujourd’hui la fragilité et la précarité du pauvre dans tous les domaines : accès à l’éducation, à la santé, à la justice ; incapacité à agir sur les conditions qui les écrasent, exclusion et ségrégation sociale de fait par l’argent (quartiers bourgeois)…
Le pauvre vit au jour le jour, il lui est impossible de se relever sans l’aide d’autrui.
Pour lutter contre la pauvreté, c’est tout cela qu’il faut « guérir ».
Dans un monde dominé par le libéralisme, la concurrence, la bagarre pour les choses devenues rares, l’appropriation, l’accumulation et l’augmentation des profits, il n’y a pas de place pour le pauvre.
La domination de l’argent dans les relations fait naître les violences.
Au Burkina, en 2003, 46% de la population vit avec moins de 80.000 Fcfa par an.
Mais le pauvre n’a pas perdu sa dignité dans les communautés villageoises ou urbaines.
Rechercher avec lui le bien être humain plus que l’accumulation seule des biens
Attention à ne pas considérer que toute activité contribue à la « lutte contre la pauvreté »,
comme on l’entend dire si souvent aujourd’hui.
Eradiquer la pauvreté exige :
= Un développement endogène.
= Le développement des activités génératrices de revenus.
= Des emplois pour les jeunes.
= La bonne gouvernance. Une volonté et un engagement de l’Etat. (Que l’Etat cesse de se désengager de tout).
= La lutte contre la corruption.
= Une école de qualité pour tous, pour chasser l’ignorance (éviter de « faire du chiffre » avec des maîtres mal formés et peu motivés)
= Des politiques agricoles qui assurent aux paysans un revenu digne et des productions qui assurent au pays la souveraineté alimentaire.
= L’implication des pauvres dans les programmes à eux destinés.
= Une plus grande ardeur au travail, une plus grande créativité et moins de parasitisme
= d’éviter les aides qui rendent dépendants.
= des revenus décents, une éducation à la bonne gestion et l’apprentissage de la prévoyance.
Conclusion
Toute cette semaine a été pour tous les participants une interpellation, un engagement citoyen, un engagement de foi. Ils ont cherché ensemble le regard du Christ sur les réalités du monde et particulièrement du Burkina d’aujourd’hui.
Ils ont reçu pour mission d’annoncer une vision du monde, de dénoncer les mécanismes injustes, de rappeler sans cesse la dimension spirituelle de l’Homme, d’évangéliser l’économie et la politique, de féconder la société par la solidarité.
Il s’agit aussi de proposer des alternatives :
Quitter la seule accumulation des richesses pour « être plus »,
Résister à la seule valeur de l’argent qui s’impose partout,
Combattre les structures oppressives,
Donner place à Dieu au cœur de nos actions humaines.
En retournant dans leurs milieux, dans toutes les structures où ils vont travailler,
ils construiront un réseau de gens qui pourront projeter la lumière sur toutes les formes de corruption.
Dans les paroisses et les familles, à travers la pastorale familiale, ils enseigneront, vivront et feront vivre les valeurs chrétiennes.
Dans l’enseignement, ils éduqueront au civisme.
Chacun, habité par l’Esprit de l’Evangile s’engagera là où il est par une multitude de petits actes quotidiens à construire un monde de droiture, d’honnêteté et de confiance.
Et, comme nous y invitait au début de cette session le mot reçu du pape :
« Corruption et pauvreté sont des drames dans le contexte actuel des crises alimentaires et économiques. Travaillons pour une société plus juste et plus solidaire où chacun pourra vivre dans la dignité »
(Bon retour dans vos foyers où vous serez sel et lumière)
Ouagadougou, le 20-11-2008
Les participants à la Semaine Sociale du Burkina
Et n’oubliez pas que :
« Nous baignons tous dans la corruption » ;
Un progrès moral est il possible ? Peut on faire disparaître la corruption ? Non.
Etre des semeurs de bon grain plus que des arracheurs d’ivraie.
Essayer de penser spirituellement la corruption
Plutôt que lutter moralement contre la corruption.
Nous sommes précaires, corruptibles, voués à la mort.
Mais habités du désir d’incorruptibilité.
Ce qui est voué à la mort disparaîtra.
Vivre alors plus fort la quête de l’Esprit qui fait vivre
Qui conduira le vivant à l’incorruptibilité.
Il s’agit d’un combat spirituel, pas seulement un combat moral.
Nous sommes capables d’incorruptibilité : c’est l’œuvre de Dieu en nous.
Qui passe par la Croix.
La vie sociale est risquée ; chacun sera jugé sur ses actes.
Que chacun y fasse sa vie selon l’Esprit (conversion), selon l’appel de Dieu.
Qu’est ce que l’Esprit m’inspire de faire aujourd’hui ? ou d’éviter ?
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