.
Droit dans les yeux
Eviter de faire d’un pauvre un mendiant
A chaque instant de la journée, je suis sollicité.
Les pauvres sont légion dans notre pays, et dans leur malheur, ils ne savent plus vers qui se tourner. L’action sociale n’a pas de moyens, les politiciens s’en désintéressent (moins d’état = moins d’entraide = économies).
Dans la grande ville de Ouagadougou, comme dans la petite ville de Koudougou, ils n’hésitent pas à se tourner vers le « blanc » supposé cueillir les billets craquants sur les arbres de son pays. Un blanc est forcément « riche », « très riche » même. Les mythes ont la vie dure.
Mais chaque fois que quelqu’un se tourne vers moi pour quémander, je lui demande d’abord : « Mais où est ta famille, où sont tes frères, où sont tes oncles ? »
Si c’est une femme qui vient me présenter ses jumeaux : « Où est ton mari ? »
Une aide risque fort d’être une solution de facilité qui détruit les solidarités traditionnelles, pourtant fort nombreuses.
Un jeune en difficulté est venu me demander les
Il y a bien sûr, le cas des garibous, des élèves coraniques que leur maître envoie mendier. Alors là, je refuse carrément. C’est en « fulfulde du marché » que je discute alors avec les enfants. « D’où viens tu, de Djibo, de Dori ? ». Venus de là bas pour étudier me répondent ils… Ma réponse invariable est celle-ci : « Le marabout qui t’enseigne doit te donner à manger ; s’il ne le veut pas, c’est qu’il est un mauvais maître et qu’il n’a pas le soutien de la communauté des musulmans. » C’est aux parents à nourrir les enfants, pas le contraire. Dans ce cas, je ne donne jamais – quelle que soit ma douleur intérieure – pour ne pas prolonger ce système ignoble. (et que l’état continue de tolérer : c’est invraisemblable !)
Et puis, il y a aussi ceux qui demandent, juste pour tenter leur chance… ceux qui n’ont aucune honte à quémander, ceux qui imaginent m’honorer par leurs « doléances », les vrais « clients », ceux qui se laisseront acheter leur voix pour
Les vraies associations « caritatives » ne se contentent jamais de « donner », parce qu’elles savent qu’un simple don à un pauvre est particulièrement destructeur des relations vraies et risque de le transformer en « mendiant » et en « dépendant ».
Si elles le font, c’est « à temps », dans les situations de détresse incontournables ;
Si elles le font, elles le font dans la discrétion et veillent à accompagner ceux qui reçoivent sur des chemins de développement qui leur permettront de s’en sortir à long terme.
Si elles le font, c’est parce qu’en même temps, elles luttent pour la transformation des structures injustes de nos sociétés qui engendrent ces situations.
Mais lorsqu’elles continuent à le faire « à contretemps » (quand le temps de la soudure est fini, par exemple)
Quand elles le font sans assurer un « suivi » de ceux qu’elles aident,
Quand elles le font devant les caméras et la presse pour se vanter, se mettre en exergue, et éventuellement confondre « charité » et « politique »,
Quand elles le font pour faire de la publicité à un régime libéral qui « fabrique » les pauvres, sans lutter contre les réelles causes de la pauvreté,
Alors, on est en droit de se poser beaucoup de questions sur les intentions des donateurs, qu’ils soient de l’étranger ou du pays.
Jacques Lacour
1 commentaire:
Génial!
Enregistrer un commentaire