mercredi 3 septembre 2008

Pratiques commerciales douteuses: encore les médicaments Droit dans les yeux :

Certains de mes amis de Ouahigouya savent que je m’intéresse beaucoup aux questions liées à la santé et aux médicaments.

Ils m’ont récemment fait part de leur étonnement devant certaines pratiques commerciales qui présentent de sérieux risques de dérive pour les malades.

L’une des pharmacies de la ville a contacté tous les prescripteurs de la ville (infirmiers et médecins) en leur proposant d’orienter les malades vers elle. En contrepartie le prescripteur s’y voit ouvrir un compte où il peut obtenir une ristourne de 5% sur les ordonnances des médicaments qu’il a prescrits et qui sont effectivement achetés dans cette pharmacie.

Je peux bien comprendre cette « agressivité » commerciale : les dirigeants du Burkina ont en effet choisi le « néo-libéralisme » comme système économique. A ce titre, le médicament, la nourriture, le tourisme, la chambre d’hôtel, ou tout autre service devient une « marchandise » source de profit et perd tout autre sens. Faire de l’argent que ce soit avec des médicaments, des cigarettes ou de l’alcool, faire de l’argent reste le seul but.

Mais je ne peux m’empêcher de penser aux deux grandes dérives terribles que cela peut comporter vis-à-vis des malades dans ce secteur particulier des médicaments.

1) Plus le prescripteur fera une ordonnance longue, plus cela lui rapportera, à lui et au pharmacien. Et je suis chaque jour témoin d’ordonnances kilométriques qui n’ont pas de sens et que d’ailleurs de nombreux malades ne peuvent de toute façon pas supporter financièrement. Il faut alors réorienter les malades vers des structures plus « raisonnables ».

2) Plus le prescripteur prescrira les « spécialités », plus cela lui rapportera. Alors que justement la politique sanitaire du Burkina vise à favoriser l’accès aux génériques, beaucoup moins chers, mais qui rapportent aussi beaucoup moins aux pharmaciens !. Et de fait, dans de nombreuses pharmacies, on continue à proposer aux malades les « spécialités » alors que les génériques sont disponibles.
Je me rappelle une fois être intervenu dans une pharmacie pour expliquer à une dame qu’il n’était nullement nécessaire de payer 3.000F pour de l’aspirine, qu’il en existait - la même- pour 200F ; et cela sous l’œil furieux du pharmacien : j’avais « gâté » son marché ! Une jeune femme m’a également confié que son médecin lui avait formellement déconseillé les génériques supposés moins efficaces : je lui ai expliqué que, s’il s’agit du même médicament (même formule chimique), le médecin a menti.

J’ignore si de telles pratiques commerciales sont « normales » ou pas selon le droit au Burkina. Mais je reste profondément meurtri de voir ces dérives commerçantes s’installer au cœur même de la souffrance d’hommes et de femmes souvent déshérités, la plupart du temps mal informés, mais surtout aux prises avec le malheur de la maladie.

C’est tellement facile d’exploiter le pauvre sans défense tombé dans le malheur.

Je me faisais une plus haute idée du métier de pharmacien.

Je me faisais une plus haute idée des médecins et infirmiers tombés dans ces dérives.

Heureusement qu'ils sont encore plus nombreux, les pharmaciens, médecins et infirmiers qui accomplissent honnêtement leur sacerdoce pour le bien être sanitaire de populations souvent démunies.

Père Jacques LACOUR (BP 332 Koudougou)

paru dans le Pays, rubrique "droit dans les yeux" du 19/02/2008 (version papier)



mercredi, 20 février 2008

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