jeudi 4 septembre 2008

L’information financière peut recréer la confiance

Quotidien Le Pays n°4150 du 1/07/2008

DROIT DANS LES YEUX

L’information financière peut recréer la confiance


Le citoyen ordinaire n’en finit pas de s’interroger. Où commencent les effets d’annonce, où commence la réelle transparence ? En matière de finances publiques, il n’est pas un jour où des milliards de francs cfa semblent se déverser sur le Burkina … Mais qu’advient il donc de tout cet argent ?

Bien sûr, il m’arrive de croiser sur la route quarante 4x4 transportant des officiels en partance pour une inauguration ou un autre évènement : cela ne fait encore que 1 ou 2 milliards que je viens de croiser ! cela n’épuise évidemment pas les budgets colossaux annoncés régulièrement dans la presse, mais c’est cela que voient les citoyens… et qu’ils retiennent ("voyez ce qu’ils font avec l’argent du pays !")

Des conventions, des accords et des contrats sont signés tous les jours avec des institutions, des multinationales ou des Etats, mais que deviennent ces sommes fabuleuses ? Le citoyen ordinaire n’y comprend rien parce qu’il ne voit pas grand-chose arriver si ce ne sont aussi spectaculaires qu’inutiles, les échangeurs au milieu desquels les cyclistes analphabètes ne sauront probablement pas se retrouver et auxquels on aura du mal à accéder tant les routes pour y arriver sont délabrées ou étroites. Sans grands panneaux lisibles de loin pour indiquer les directions, qui pourra s’y retrouver ? Les dépliants d’information avec les circuits en couleurs sont obscurs, même s’ils sont imprimés sur papier glacé…

L’argent arrive… ou n’arrive pas ; le citoyen ne peut le savoir. Une promesse de don n’est pas toujours un don ; les décaissements n’atteignent pas toujours les sommes promises… on l’a vu, par exemple avec les FED (Fonds européens de développement). Et puis il y a parfois des "effets d’annonce" qui sont tout simplement des mensonges.

Comment le citoyen ordinaire peut il y comprendre quelque chose ?

Et quand le Premier ministre lui-même nous dit que le "manque de suivi" est une maladie endémique même au plus haut niveau, on peut craindre qu’il soit difficile de s’y retrouver pour tout le monde.

Qui peut accéder à une connaissance un peu claire de l’ensemble des circuits financiers de l’Etat et savoir – un peu – comment fonctionne financièrement le pays. Il est à craindre qu’il soit difficile de rendre compte de tous ces flux financiers qui ne transitent, semble-t-il, pas tous par la comptabilité nationale et le budget que sont supposés voter nos députés. Au moins cette part là est normalement soumise au contrôle de la Cour des Comptes et autres structures de l’Etat mises en place pour cela.

Il est des secteurs où le citoyen a énormément de mal à accéder à l’information sur l’aspect financier des choses. Dans le cas du coton Bt, par exemple, on nous a dit que Monsanto, l’Inera et l’Etat étaient parvenus à un accord sur les "royalties" pour les uns et les autres ; mais l’information réelle sur les engagements des uns et des autres ne sont pas connus de la population et encore moins des cotonculteurs qui ne savent toujours pas à quel prix leur travail a été négocié et pour combien de temps… s’ils seront bénéficiaires ou perdants dans cet accord financier pour lequel on ne leur a rien demandé alors qu’ils sont les premiers concernés.

Dans le cas de l’exploitation minière au Burkina qui semble prendre de l’extension depuis le renchérissement des matières premières, les populations pourront elles connaître ce que rapporte réellement à l’Etat l’exploitation de ces ressources et en verront elles un bénéfice pour leur vie quotidienne ? Leur sera-t-il possible de savoir à quelles conditions tous ces contrats ont été signés et s’il y aura un "suivi" (au-delà de l’expression "gagnant, gagnant".. mais pour qui ?)

Voilà deux exemples où nous pourrions nous démarquer de l’opacité en vigueur dans tant de pays comme le Gabon, l’Angola, le Congo, la RDC, le Nigeria… où les richesses nationales sont accaparées à titre personnel pour moitié (ou parfois plus) par ceux qui sont au pouvoir. "Dis ce que tu payes", un slogan certes, mais surtout un appel à plus de transparence de la part des sociétés qui viennent travailler sur notre sol. Une invitation à ouvrir un chemin de confiance dans la jungle des affaires financières quand le doute s’installe dès que les choses ne sont pas dites. Seul le contrôle instaure la confiance et la confiance n’est possible que par le contrôle…

Même les évêques du Burkina ont relevé dans leur dernier message aux fidèles que la richesse du pays est de plus en plus aux mains d’une minorité qui l’accapare.

Donnons nous les moyens, non seulement de dénoncer cette situation, mais aussi d’instaurer un climat de contrôle et de concertation pour empêcher cette minorité de continuer à s’enrichir ainsi aux dépends de la nation. Et cela, c’est l’affaire de toutes et de tous, et cela commence par l’information des citoyens, la publication et la vulgarisation de toutes les affaires financières dans lesquelles l’Etat est impliqué.

Père Jacques Lacour (BP332 Koudougou)
jacqueslacourbf@yahoo.fr



lundi, 30 juin 2008

Aucun commentaire: