jeudi 4 septembre 2008

SANS-PAPIERS DE FRANCE (un éditorial du journal "Le Pays")

Quotidien Le Pays n°4145 du 24/06/2008

Editorial:

SANS-PAPIERS DE FRANCE

Hortefeux met le feu

Encore du feu dans un centre pour immigrés "sans papiers" ! Dans ce sinistre, intervenu le week-end dernier, outre les blessés, il y a eu mort d’homme : un Tunisien a rendu l’âme. C’est la conséquence des mesures draconiennes prises par le gouvernement Fillon et exécutées par son ministre chargé de ces questions, Brice Hortefeux. Les dirigeants africains bougeront-ils enfin suite à ces humiliations?

L’Elysée devrait se réjouir de cette situation, puisque Paris permet à son ministre attitré de brandir régulièrement des trophées de guerre pour célébrer ses victoires. Le ministre Hortefeux semble tellement apprécier sa mission qu’il arbore chaque fois des statistiques, prouvant qu’il est effectivement l’homme de la situation et qu’il honore bien la feuille de route de son maître. Des expulsions, il en fait des masses ! Pour bouter hors d’Europe tous ces pouilleux et malodorants qui dérangent la quiétude de citoyens heureux de respirer aujourd’hui le vent de la liberté. Liberté acquise pourtant au prix du sang, dont celui versé par les parents et les grands-parents de ces "sans-papiers" africains d’aujourd’hui. Cela frise le ridicule dans un pays qui se veut le berceau des droits de l’homme et de surcroît le refuge idéal pour les damnés de la Terre.

La traque des immigrants a toujours existé en France. Mais elle se faisait plus discrète et plus humaine. La rupture à la Sarkozy est donc effective car aucune autre puissance ne traite ainsi ses anciens colonisés. La Grande-Bretagne, en dépit de tout ce qu’on lui reproche, est beaucoup plus clémente et agit de manière plus civilisée. L’entêtement des autorités françaises est en contradiction avec l’ouverture d’esprit du peuple de France qui assiste sans compter, les peuples africains dans leur lutte pour la survie.

La politique française actuelle n'est pas loin de rappeler la conduite des nazis lorsqu’ils s’adonnaient à la chasse aux Juifs durant la période hitlérienne. En effet, ces bourreaux d’autres temps, savouraient leurs performances au fur et à mesure que le tableau de chasse enregistrait les trophées de guerre. Dans la France de Nicolas Sarkozy et de Brice Hortefeux, l’immigrant africain est potentiellement suspect. Les "sans-papiers" et les "sans domicile fixe" y sont devenus des individus sans droits et sans aucun égard.

De plus en plus d’Africains se retrouvent parmi les "indésirables" car la plupart ont fui des économies exsangues ou moribondes de leur pays. Du fait justement du pillage passé et présent des ressources par les puissances occidentales, avec la bienveillante complicité des gouvernants africains. Outre la malgouvernance, on voudrait faire oublier que partir d’un point à un autre sur cette terre, constitue aussi un droit pour tous. Par ailleurs, les départs s’expliquent aussi par les affabulations de ceux des Africains qui résident déjà dans l'Hexagone et qui donnent généralement de la France l’image d’un pays merveilleux et hospitalier. Pour beaucoup d’Africains marginalisés par des politiques sans queue ni tête, l’Hexagone demeure un "El Dorado" : il faut absolument le voir et…mourir ! Pourtant, les réalités sont tout autres, et Hortefeux s’efforce de le montrer chaque jour que Dieu fait.

Le gros lot des "sans-papiers" se compose d’immigrés clandestins qui débarquent par des voies détournées. Dépouillés de tout (papiers d’identité, argent, etc.), ils sont le plus souvent analphabètes ou sans formation. Ils se font donc arnaquer à tout moment par des individus sans foi ni loi qui les font chanter : argent, petit boulot, ou dénonciation suivie d’expulsion. Lorsqu’ils existent, les papiers d’identité sont confisqués en cas de désaccords avec le "bienfaiteur". Livré à lui-même, le clandestin erre d’une ville à l’autre, d’un petit boulot à l’autre. S’il n’a pas la chance de se faire aider, tôt ou tard il se fera prendre par la police. C’est alors le retour au pays dans des conditions inacceptables.

On ne subit pas de gaieté de cœur ces humiliations. Or, les Africains sont les seuls à les subir. Ceux d’autres provenances sont généralement traités avec plus d’égard, leurs pays faisant preuve de plus de fermeté. En cela, la docilité des gouvernants africains face au calvaire de leurs ressortissants partis à l’aventure, est condamnable. Elle fait honte à la diplomatie du continent qui a tout abandonné entre les mains de la société civile européenne. Celle-ci défend encore mieux la cause de ces immigrés.

Les Africains doivent sans cesse dénoncer ces pratiques iniques qui n’honorent ni la France, ni la Francophonie. Elles font tout simplement honte et ne tirent pas leçon des autres, notamment le Commonwealth qui, en dépit des critiques, ne tombe jamais aussi bas !

Les Juifs dénoncent constamment l’holocauste. Les Palestiniens déplorent "le jour de la honte" pour exprimer leur dépit suite à la création de l’Etat d’Israël. Pourquoi les Francophones d’Afrique ne peuvent-ils pas, de façon collective, rappeler à la France que le vent de liberté dont elle profite, les performances de son économie et la place de l'Hexagone dans le monde aujourd’hui, elle le doit aussi aux fils d'Afrique ?

Les Francophones d’Afrique qui portent à bout de bras une organisation qui serait sans eux une structure sans envergure, doivent exprimer haut et fort leur dégoût d’une politique qui décrédibilise les efforts du peuple de France engagé dans les actions de jumelage-coopération. Les pays du continent devraient exiger et obtenir de Paris le respect des clauses de la réciprocité, surtout en matière de traitement et de protection des personnes. Il faut éviter le piège des accords spéciaux en matière d'immigration, pour s’organiser et parler d’une seule voix, comme le recommande le colonel Khadaffi dont l’empressement à réaliser l’unité africaine trouve ici sa pleine justification. Il faut aussi espérer que les menaces du président Chavez du Venezuela de couper le pétrole aux pays européens décidés à expulsés les "sans-papiers" auront un effet dissuasif, même si la part du pétrole vénézuélien dans les importations françaises, n'est pas considérable.

"Le Pays"


mardi, 24 juin 2008

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