mercredi 3 septembre 2008

Détresse des administrés: l'école, la police


Quotidien le Pays N°4058 du 19/02/2008 (version électronique)

DROIT DANS LES YEUX

La détresse des administrés

Je voudrais ici vous rapporter deux témoignages qui m’ont beaucoup touché, car ils viennent de mon entourage très proche, l’un concerne l’école, l’autre la Police.

L’école :

"La nièce de ma femme va à l'école du quartier, je l'ai collée dans une école pour riches, afin qu'elle rattrape son retard."
Je ne vais pas m'étendre aujourd'hui sur le système scolaire burkinabè (du copier- coller du système colonial qui échoue depuis 50 ans à former une base intellectuelle dans ce pays, même si quelques élites en sont sorties). Il faudrait des pages et des pages, et beaucoup de recul pour arriver à dire mes sentiments.

Donc la petite Carole s'en va à l'école, mais comme elle a fait le CP1 & le CP2 en brousse, elle est très en retard :
elle sait tout juste écrire son nom, et encore avec des fautes ;
elle ne connaît pas la moitié des lettres de l'alphabet ;
elle a 5 à 10 mots de vocabulaire en français (je n'exagère pas). Par contre, dans sa langue, c’est une sacrée fanfaronne :
elle a écrit (recopié) 3 pages dans tout son CP2.
Je finis par comprendre qu'en brousse, les élèves servent plus à faire les corvées ménagères des enseignants (bois, lessive, balayage) qu'à apprendre.

J'avais espoir en cette nouvelle école, mais quelque chose m'a un peu miné.
Normalement, en début d'année, le maître prend une demi-journée pour écrire l'emploi du temps au tableau, les élèves zélés recopient ça et apprennent à bien tenir leur règle, et le maître scrupuleux vérifie le travail final...
Mais ici, non, le maître demande à chaque élève d’amener 50 francs CFA pour photocopier l’emploi du temps. A 25F la photocopie, ça fait 25F de bénef par élève. Pour le maître, y a pas photo, c’est du bon.
Les enfants, eux, apprennent très tôt la valeur de l'"argent".


La Police


Il y a trois jours, j’ai envoyé un ami faire une course… Il a mis un temps fou à revenir à la maison. Il a perdu une heure, me dit-il, parce que les policiers l’ont arrêté à cause d’un STOP mal marqué. Il a fallu "négocier" pour ne pas payer l’amende, 1000 F sans reçu, au lieu des 4 800 F … Bien sûr, cet ami sait que cet argent ira dans la poche du policier (ou qu’il sera partagé avec qui de droit). Il sait aussi que ça n’ira pas dans la caisse de l’Etat, ni au Trésor public. Dans son coeur, il méprise profondément ces policiers qui sont là, non pour la protection des populations, ni pour faire régner l’Etat de droit, mais pour s’enrichir personnellement sur les gens en situation d’infraction. Comment sera-t-il possible de faire ensuite confiance aux "forces de l’ordre" ? Comment sera-t-il possible de les respecter au fond de son cœur ? C’est difficile.

J’aimerais faire une suggestion à nos décideurs : dans une situation comme celle que je viens de décrire, tout est perdu pour l’Etat et le Trésor public, tout est perdu pour la nation et le bien commun. Ne serait-il pas possible de rapprocher le tarif des amendes officielles de celui des amendes officieuses de sorte que la "transaction à l’amiable" avec les policiers ne présente plus aucun intérêt pour le fautif et que le contrevenant soit plus enclin à payer 1 200 F avec reçu au Trésor public que les 1 000 F sans reçu au policier ?

Mais encore faut-il que les policiers puissent délivrer des reçus !

Ce qui n’est pas le cas à Ouagadougou, par exemple… Alors là, ça institutionnalise encore davantage les "transactions à l’amiable" comme incontournables… "Pour vous aider", disent les policiers… évidemment quand on est en partance sur Koudougou, pas moyen d’y échapper !

L'avenir est entre les mains de ceux et de celles qui auront su donner aux générations de demain des raisons de vivre et d'espérer.



Père Jacques Lacour
BP 332 Koudougou
jacqueslacourbf@yahoo.fr


lundi, 18 février 2008

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