jeudi 4 septembre 2008

Esclave ou fils ? la loi ou l'amour ?

Réaction de Dominique Nothomb, un confrère âgé (d’une autre formation) à mon dernier article.

Cher Jacques,

Tu ne refuses pas le débat.
Ton dernier article dans « Le Pays » sur le refus de l’asservissement, est excellent dans sa visée, et son expression, sauf un mot : « refus de toutes les soumissions » (3° colonne, 22° ligne).
Par le fait même, tu condamnes l’Islam qui justement signifie « soumission »
Tu condamnes la foi chrétienne qui est obéissance, soumission de l’intelligence à la Vérité révélée.
Tu condamnes Jésus qui fut en tout, soumis à la volonté de son Père, et Luc dit même qu’il fut soumis à Joseph et Marie.
Tu condamnes la liberté elle-même qui est autodétermination dans le choix du Bien : la liberté n’est libre que dans la soumission au Bien, donc à Dieu.

Refuser toute soumission, c’est être une feuille morte, emportée par le vent. C’est refuser de donner un sens à sa vie. Ou plutôt faire de son « Je » une idole, de ses caprices son « Dieu » : le pire des esclavages : c’est l’orgueil qui perd l’humanité, c’est préparer un monde dirigé par des dictateurs qui veulent s’écraser l’un l’autre : exactement le contraire de ce que tu vises

L’homme n’est pas un Dieu. Refuser toute soumission, c’est la plus horrible de toutes les options. Dès que l’homme refuse de se soumettre à Dieu, donc au Bien, au Beau, au Vrai, il se détruit lui-même.
Il y avait donc dans ton article un mot de trop. Je crois que tu en seras d’accord.

Dominique Nothomb
(amicus Plato sed magis amica Veritas)

Et ma réponse :

Dominique, bonsoir

Prêtre missionnaire, évoquant des questions de société dans un journal qui s’adresse à tous, j’évite de transformer ma chronique en une homélie ou un sermon : ce n’est ni le lieu, ni le temps. Mais j’essaie, dans cet espace qui m’est offert, de suggérer quelques valeurs humaines qui me semblent en harmonie avec les valeurs du Royaume et vice versa.
Et je te l’ai déjà dit clairement.

Si le Christ s’est incarné, est entré dans l’histoire des hommes, s’il nous invite à le rejoindre sur les routes des hommes et non à garder nos yeux plantés au ciel, ce n’est pas ailleurs que dans son humanité que je découvrirai sa divinité, ce n’est pas en dehors de l’histoire concrète de ceux que je rencontre que je peux le rencontrer.

Il faut également replacer ce texte dans son contexte qui est un essai de réponse à un jeune effrayé et désespéré du malheur de l’Afrique, Afrique selon lui trop soumise qui n’a pas su résister comme il aurait fallu à ceux qui l’ont réduite en esclavage.

Et c’est là que les mots (car il s’agit bien ici de sémantique) n’ont pas pour nous le même sens et je le regrette. Nous ne parlons pas de la même chose. Et je crains, plus profondément que nous n’appartenions pas à la même école théologique (Les milieux qui nous ont enfantés sont sans doute très différents et nous ont marqué aussi très profondément)

L’expression « se soumettre au Bien » est pour moi incompréhensible, n’a aucun sens ; d’ailleurs tu te reprends aussitôt en parlant de « choisir le Bien » ! Là nous pouvons nous rejoindre.

Mettons nous bien d’accord sur les mots :

Choisir le Bien est un acte libre qui, par grâce, nous permet de communier à la divinité qui nous habite : N’as-tu pas été créé à l’image de Dieu ? L’homme n’est pas Dieu, dis-tu, mais Dieu s’est fait homme pour nous inviter à sa vie divine…

S’il s’agit de se soumettre au Bien, c’est grave. A partir de quel moment ne doit on pas y soumettre les autres ? Rappelle toi l’évangélisation de l’Amérique du Sud.

La vérité de la révélation, ou plutôt la rencontre avec Jésus-Christ n’est possible et n’a de sens qu’accueillie par des êtres libres pour devenir fils et filles. La foi n’est pas « soumission de l’intelligence à la Vérité », oh grand jamais ! Elle est « illumination de l’intelligence par la rencontre de Jésus Vivant »
Si Vatican II n’était pas venu éclairer mon chemin de croyant sur ces questions essentielles, je ne sais pas si aujourd’hui, je serais encore dans l’Eglise Catholique.

Soumettre ! Je l’ai employé dans mon texte (et si tu l’avais replacé dans son contexte, tu l’aurais compris immédiatement) au sens de « asservir », « rendre esclave », « priver de liberté ». (Je parlais de la soumission de l’Afrique dans l’esclavage, la traite négrière transatlantique…)

Il est probable que nous n’avons pas parlé de la même chose.

Je suis chrétien, je suis fils de Dieu, par grâce ;
je ne suis plus l’esclave de Dieu.
Dieu ne veut pas de ma soumission, il veut mon amour…
Je ne suis même plus le serviteur de Jésus, je suis son ami, par grâce.
(C’est même écrit noir sur blanc en Saint Jean)
Comprenne qui pourra.
Nous ne sommes plus dans l’ordre de la loi, de l’obéissance et de la soumission !
C’est fini !
C’est ça la Bonne Nouvelle !
Nous sommes dans l’ordre de la rencontre, de la foi, de l’Amour, de la liberté, de l’amitié… et même avec Dieu !

C’est ça, la bonne nouvelle !


Que Dieu te garde dans son Amour, Dominique
Qu’il te libère de toute soumission pour te faire entrer dans le monde de l'Amour.

Rappelle toi aussi ceci : je ne condamne personne, ni l’Islam, ni la foi chrétienne, ni Jésus : je ne suis pas juge, je suis de ceux qui réservent le jugement à Dieu, à la fin.(comme il nous est conseillé de le faire dans l'évangile)

Ton frère prêtre,
Jacques


dimanche, 29 juin 2008

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