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mercredi 3 septembre 2008

Fuir la tentation de la violence, face à un Etat violent.


Droit dans les yeux du 15 janvier 2008

Fuir la tentation de la violence, face à un Etat violent.


Face à la violence d’Etat et aux injustices criantes qui durent à cause d’une justice défaillante, la tentation de la révolte et de la violence peut nous venir parfois à l’occasion d’évènements qui sont « la goutte d’eau qui fait déborder le vase »

En 1992, après 5 ans de « renaissance démocratique », à Gorgadji, un douanier fut lynché sur le marché. Plus de 20 personnes furent retenues à Dori et torturées pendant 3 jours (je me souviendrai toujours de leurs cris). Trois personnes en moururent, d’autres furent gravement blessés. La révolte de la population contre les abus de la douane fut férocement réprimée, bien au-delà de la loi du talion (« œil pour œil, dent pour dent »). Le procès des coupables assassins du douanier n’a donc jamais eu lieu, et pour cause ! Le procès de la douane corrompue de Dori (en ce temps) ne s’est pas tenu. Ce fut une vengeance disproportionnée de l’administration – couverte par le procureur – contre des populations excédées qui ont « disjoncté » (Attention, je ne les approuve pas non plus !). Les forces de l’ordre et la justice ont profondément terni l’image de la démocratie. Qui pourra leur faire encore confiance dans cette région ?


A Gassan, il y a quelques années, l’ambulance se trouvait au service privé d’un administrateur sans scrupules qui s’en servait pour ramasser des champignons et du bois jusqu’à ce qu’un malade meure au dispensaire faute d’avoir été évacué. Une délégation de la population se leva pour aller le menacer dans son bureau : Résultat : on envoya l’armée humilier et frapper la population de tout le village… avant de reconnaître lamentablement que l’administrateur avait tort. Qui, dans ce village, fera à nouveau confiance à l’administration, à l’armée ?


Plus récemment à Diébougou, la population a tenté de s’opposer par la force à la gabegie d’hommes politiques qui voulaient aliéner le bien public (« le bien commun ») pour régler leurs dettes personnelles ou leurs erreurs de gestion. Mal lui en prit. L’administration et les forces de l’ordre répondirent par la violence, une « violence disproportionnée », frappant sans distinction hommes ou femmes, jeunes ou vieux…

Ces faits, dont j’ai été témoin ou qui m’ont été rapportés par des proches, ont été connus de tous par la presse qui s’en est fait, en son temps, l’écho.

Il y en a sans doute bien d’autres que je ne connais pas.

Ces faits révèlent la stratégie du régime face au ras le bol et à la révolte des populations mal organisées, qui ne peuvent jamais porter plainte pour protester contre les abus de l’administration par peur de représailles, et encore moins accéder à la justice.

La justice est la grande absente (sauf à Dori où le procureur ordonna les tortures « pour les besoins de l’enquête »). Et les populations savent que c’est inutile dans la plupart des cas d’y recourir tant elle est assujettie (parfois ? souvent ?) au politique (ordre établi ou désordre établi ?), à l’économique (vénale) ou à la parentèle. A plus forte raison s’il s’agit d’un différent avec l’administration où dans ce cas, tout le monde couvre tout le monde en particulier entre adhérents du parti majoritaire.

Alors, que faire ?

Devant des faits lamentables comme ceux qui viennent d’être dénoncés récemment par rapport à l’hôpital de Koudougou, je vois que la tentation de la violence pourrait surgir à nouveau ; je l’ai vue en tous cas s’exprimer par écrit dans le forum internet qui suit la reprise par le Fasonet de l’article dénonçant ces faits.

A toutes celles et à tous ceux qui seraient tentés par la violence, je voudrais leur dire que l’Etat n’hésitera pas à répondre par une répression très forte, avant même toute discussion.

Le chemin de la violence n’est donc pas la réponse qui convient.

La révolte –légitime--, la « capacité d’indignation » ne doivent pas emprunter les chemins de la violence qui ne peut qu’alimenter la spirale de la violence.

Il faut réinventer pour nous aujourd’hui, les chemins de la non-violence, ceux que Martin Luther King a empruntés, ceux que Gandhi a empruntés, ceux que Jésus a empruntés…

Bien sûr, au Faso, les marches autorisées sont habituellement celles qui portent sur des thèmes généraux, celles qui ne dérangent pas le pouvoir. Dès qu’il s’agit de problèmes réels qui demandent des solutions urgentes, tout est mis en œuvre pour interdire ces marches ou les limiter (au nom de l’ « ordre public »), même sur de petites questions comme le prix des transports à Koudougou ! La liberté de manifester sur les problèmes du quotidien n’est pas si effective que cela.

Il est donc nécessaire de se tourner vers d’autres moyens ; il en existe beaucoup : sitting, pétitions, campagnes d’information, groupes de réflexion et d’action,… que nous n’avons pas fini d’explorer. L’engagement non-violent reste tout aussi risqué pour ceux qui choisissent cette forme d’action pour résister aux injustices, mais il montre à tous la lâcheté de la violence qui se déchaîne sur eux : des gens armés qui frappent des gens désarmés. Et il est bien que la télévision nous montre ce genre d’images, cela peut nous donner du courage pour continuer dans cette voie et rallier l’opinion publique.

Il y a aussi à construire en chacun de nous, au fond de notre cœur, une culture de la non-violence face à un état et à une culture environnante qui ont souvent banalisé les moyens violents. Etre des artisans de paix, affamés et assoiffés de justice…

Bon courage à toutes et à tous

Dieu bénit les artisans de paix et de non-violence

Père Jacques Lacour (BP 332 Koudougou)

jacqueslacourbf@yahoo.fr



mardi, 15 janvier 2008