mardi 26 mai 2009

DEPART DU PERE JACQUES LACOUR

DÉPART DU PÈRE JACQUES LACOUR

Les hommages des Editions "Le Pays"
lundi 25 mai 2009,

Le Père Jacques Lacour, missionnaire d’Afrique en poste à Koudougou, par ailleurs chroniqueur de la rubrique "Droit dans les yeux" du quotidien "Le Pays", quitte définitivement le Burkina ce mardi, pour Marseille en France où il est affecté. Les Editions "Le Pays" lui ont rendu hommage le vendredi 22 mai 2009 à l’occasion d’un cocktail d’au revoir organisé à cet effet dans les locaux du journal.

"Il n’y aura pas de discours officiel ; c’est le coeur qui va parler en des mots très simples, mais emprunts d’une grande sincérité". C’est en ces termes que le directeur général des Editions "Le Pays" a introduit son adresse au Père Jacques Lacour, jusque-là signataire de la rubrique "Droit dans les yeux", à l’occasion de la cérémonie d’au revoir que l’entreprise de presse a organisé vendredi soir en l’honneur de son chroniqueur français qui quitte définitivement le Burkina après y avoir passé 28 années. Dans la série d’hommages qui s’en est suivie, Boureima Jérémie Sigué a insisté sur la "fructueuse collaboration" que le Père a eue avec le journal "Le Pays" dans le cadre de la très prisée rubrique "Droit dans les yeux" qui n’a jamais fait faux bond aux lecteurs du fait de son auteur. Le patron du groupe de presse "Le pays" pour qui la cérémonie d’au revoir au Père Lacour se tient avec plus de tristesse que de joie, pense que "le Père nous rend quasiment orphelins avec son départ". M. Sigué a, par ailleurs, souhaité au partant de bien poursuivre sa noble mission à Marseille en France où il a été affecté par ses supérieurs des "Missionnaires d’Afrique". En retour, le Père a traduit sa reconnaissance à l’entreprise de presse pour lui avoir largement ouvert ses portes et les colonnes du quotidien. "Vous m’avez donné l’expérience de l’écriture régulière, puisque j’étais emmené à écrire quelque chose chaque semaine", a indiqué Jacques Lacour qui se réjouit d’avoir reçu une sorte de formation grâce à la rubrique qu’il a jusque-là animée. Avant de lever le verre en hommage au Père Jacques Lacour, le directeur général des Editions "Le pays" lui a offert en cadeau une statuette en bronze et une lettre de remerciement (lire encadré) lue par Alexandre Le Grand Rouamba, chargé des relations publiques. Avant de quitter les locaux du journal, le Père Jacques Lacour a été reçu par les journalistes en tant qu’invité de la rédaction. Dans l’interview qu’il nous a accordée et que vous pourrez lire dans nos prochaines éditions, Jacques Lacour retrace ses plus grands souvenirs au Pays des Hommes intègres, et jette un regard critique sur le processus démocratique et les stratégies de lutte contre la pauvreté dans un Burkina dont il a été témoin de l’évolution au cours des 28 dernières années.





Lettre de remerciement du DG des Editions "Le Pays" au Père Jacques Lacour

"Père Lacour, Nous accusons réception de votre lettre du 15 avril 2009, par laquelle vous nous informez de votre départ prochain du Burkina Faso. Par la présente, nous vous transmettons nos sincères remerciements pour la bonne et fructueuse collaboration entretenue de nombreuses années durant, au bénéfice de nos milliers de lecteurs et partant, du peuple burkinabè. Nous avons été marqués par votre constante disponibilité et avons apprécié à sa juste valeur votre engagement pour la défense de l’équité, de la justice et de la paix à travers vos écrits qui transpirent le courage et la sincérité. C’est avec un pincement au coeur que nous vous voyons quitter ce pays que vous aimez tant, comme en témoigne votre combat en faveur des Burkinabè. Recevez, Père Lacour, nos sincères salutations et l’assurance renouvelée de notre gratitude.

Le Directeur général Boureima Jérémie SIGUE Chevalier de l’Ordre national Chevalier de l’Ordre du Mérite burkinabè"

Par Paul-Miki ROAMBA


http://www.lepays.bf/spip.php?article1952

DEPART DU PERE JACQUES LACOUR

DÉPART DU PÈRE JACQUES LACOUR

Les hommages des Editions "Le Pays"
lundi 25 mai 2009,

Le Père Jacques Lacour, missionnaire d’Afrique en poste à Koudougou, par ailleurs chroniqueur de la rubrique "Droit dans les yeux" du quotidien "Le Pays", quitte définitivement le Burkina ce mardi, pour Marseille en France où il est affecté. Les Editions "Le Pays" lui ont rendu hommage le vendredi 22 mai 2009 à l’occasion d’un cocktail d’au revoir organisé à cet effet dans les locaux du journal.

"Il n’y aura pas de discours officiel ; c’est le coeur qui va parler en des mots très simples, mais emprunts d’une grande sincérité". C’est en ces termes que le directeur général des Editions "Le Pays" a introduit son adresse au Père Jacques Lacour, jusque-là signataire de la rubrique "Droit dans les yeux", à l’occasion de la cérémonie d’au revoir que l’entreprise de presse a organisé vendredi soir en l’honneur de son chroniqueur français qui quitte définitivement le Burkina après y avoir passé 28 années. Dans la série d’hommages qui s’en est suivie, Boureima Jérémie Sigué a insisté sur la "fructueuse collaboration" que le Père a eue avec le journal "Le Pays" dans le cadre de la très prisée rubrique "Droit dans les yeux" qui n’a jamais fait faux bond aux lecteurs du fait de son auteur. Le patron du groupe de presse "Le pays" pour qui la cérémonie d’au revoir au Père Lacour se tient avec plus de tristesse que de joie, pense que "le Père nous rend quasiment orphelins avec son départ". M. Sigué a, par ailleurs, souhaité au partant de bien poursuivre sa noble mission à Marseille en France où il a été affecté par ses supérieurs des "Missionnaires d’Afrique". En retour, le Père a traduit sa reconnaissance à l’entreprise de presse pour lui avoir largement ouvert ses portes et les colonnes du quotidien. "Vous m’avez donné l’expérience de l’écriture régulière, puisque j’étais emmené à écrire quelque chose chaque semaine", a indiqué Jacques Lacour qui se réjouit d’avoir reçu une sorte de formation grâce à la rubrique qu’il a jusque-là animée. Avant de lever le verre en hommage au Père Jacques Lacour, le directeur général des Editions "Le pays" lui a offert en cadeau une statuette en bronze et une lettre de remerciement (lire encadré) lue par Alexandre Le Grand Rouamba, chargé des relations publiques. Avant de quitter les locaux du journal, le Père Jacques Lacour a été reçu par les journalistes en tant qu’invité de la rédaction. Dans l’interview qu’il nous a accordée et que vous pourrez lire dans nos prochaines éditions, Jacques Lacour retrace ses plus grands souvenirs au Pays des Hommes intègres, et jette un regard critique sur le processus démocratique et les stratégies de lutte contre la pauvreté dans un Burkina dont il a été témoin de l’évolution au cours des 28 dernières années.




Lettre de remerciement du DG des Editions "Le Pays" au Père Jacques Lacour

"Père Lacour, Nous accusons réception de votre lettre du 15 avril 2009, par laquelle vous nous informez de votre départ prochain du Burkina Faso. Par la présente, nous vous transmettons nos sincères remerciements pour la bonne et fructueuse collaboration entretenue de nombreuses années durant, au bénéfice de nos milliers de lecteurs et partant, du peuple burkinabè. Nous avons été marqués par votre constante disponibilité et avons apprécié à sa juste valeur votre engagement pour la défense de l’équité, de la justice et de la paix à travers vos écrits qui transpirent le courage et la sincérité. C’est avec un pincement au coeur que nous vous voyons quitter ce pays que vous aimez tant, comme en témoigne votre combat en faveur des Burkinabè. Recevez, Père Lacour, nos sincères salutations et l’assurance renouvelée de notre gratitude.

Le Directeur général Boureima Jérémie SIGUE Chevalier de l’Ordre national Chevalier de l’Ordre du Mérite burkinabè"

Par Paul-Miki ROAMBA

dernier droit dans les yeux: ce soir, je prends l'avion

Droit dans les yeux :
Ce soir, je prends l’avion…



Ce soir, je prends l’avion et je vous dis « au revoir »
Vous ne verrez plus ma signature ici, le mardi,
Où j’ai essayé de partager avec vous quelques convictions profondes
De porter quelques interpellations sur des situations difficiles.
J’ai parfois provoqué, j’ai dérangé certains, j’ai réjoui et conforté d’autres.
C’était le but de cette rubrique. Sans prétention. Liée à l’actualité.


Ce soir, je prends l’avion,
Tout étonné encore de cette belle aventure de l’écriture
Que je ne me connaissais pas ainsi.
Tâche inattendue où Père Balemans avait ouvert la voie
(Qu’il soit ici remercié)
Pour donner la parole aux sans voix
Et intervenir à temps et à contretemps.


Ce soir, je prends l’avion,
Mais je n’oublierai pas les situations que je vous ai dites ici :
Les injustices orchestrées par les puissants ;
Je pars sans avoir vu bitumée la route Koudougou-Dédougou
Et tant d’autres promesses non réalisées, comme les OMD ;
Je pars tremblant pour les paysans abandonnés
Au profit des nouveaux riches qui les dépouillent ;
Je pars en rêvant de vraie démocratie
Pour les peuples du Burkina qui la méritent ;
Je pars en priant pour les hommes et les femmes de ce pays
Dont je sais qu’ils survivront aux épreuves qu’on va encore leur imposer.


Ce soir je prends l’avion après 28 ans au Burkina en trois séjours…
J’ai partagé avec vous les plus belles années de ma vie
Et je puis vous dire que je ne vous oublierai jamais.
Beaucoup de vos visages resteront à jamais gravés en moi.
Je sais pour beaucoup vos vies difficiles
Mais aussi la joie et le bonheur partagés.


Ce soir, je prends l’avion, pour aller travailler au « pays des blancs »,
A Marseille où je retrouverai mes frères africains et immigrés.
Mais je tâcherai de rester un pont, une passerelle entre ces deux mondes
Auxquels j’appartiens un peu
Position si passionnante, mais si inconfortable,
Témoin partout de la rencontre, d’espoirs qui se lèvent, de combats partagés,
De projets qui se concrétisent.


Ce soir, je prends l’avion,
Et je ne sais d’avance sur quels chemins Dieu va me conduire
Ni vers qui encore il dirigera mes pas
Mais je sais seulement qu’il m’invitera toujours à aimer,
Qu’il m’entrainera dans de nouvelles aventures
Et qu’il ne cessera de m’y guider

Ce soir, je prends l’avion,
Et je vous dis à toutes et à tous : « au revoir »
Parce qu’en Dieu nous nous rejoignons tous
Et je vous dis à toutes et à tous : « merci »
Pour toutes ces convictions partagées ici.
Et qui sait ? « A un de ces jours, sur les routes de la vie ! »


Père Jacques LACOUR.
jacqueslacourbf@yahoo.fr

texte publié dans le journal "Le Pays" du 26 mai 2009
rubrique "droit dans les yeux"
et dans la version électronique du journal

jeudi 21 mai 2009

En économie, je ne suis pas "libéral"

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Je ne suis pas "libéral" en économie, plutôt régulateur...

Je ne suis pas libéral, c'est-à-dire adepte, en l’absence de lois, de la seule loi du plus fort, de la loi de la jungle ;

Je ne suis pas libre-échangiste dans un marché mondial totalement dérégulé qui ne fait qu’écraser les plus pauvres et enrichir les plus riches ;

Je suis "régulateur", persuadé que les lois et règlements peuvent arracher l’homme à la barbarie qui ne cesse de le menacer.

La liberté de circuler en paix est venue grâce au code de la route… (Et la Rolls Royce s’arrête au feu rouge pour laisser passer le vélo au feu vert !) qu’il en soit ainsi de toutes les activités sociales.

L’émission de la monnaie, réelle ou virtuelle, est un privilège régalien et doit le rester.
En aucun cas, les banques privées ne peuvent « émettre » de la monnaie sans le contrôle rigoureux de l’Etat.

Les piliers de la cohésion sociale doivent être protégés à tout prix:
Je suis favorable à la retraite par répartition, l’indemnisation du chômage, la sécurité sociale, le code du travail, je m’oppose à la promotion de l’assurance privée et individuelle. J'aime toute forme de solidarité active et transparente... J'aime beaucoup moins l'individualisme...

Placer l’homme avant le profit
Mettre l’économie au service de l’homme

... Ces mots,mis rapidement sur papier pour répondre à une question qui m'était directement adressée, me paraissent, après coup dire assez bien quelque chose de ma pensée...

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Dernière lettre du Burkina...

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Père Jacques Lacour

« Missionnaires d’Afrique »

BP 332 Koudougou

Burkina Faso


A Koudougou, le 20 mai 2009


Bien chers parents et amis,


Vous êtes déjà nombreux à le savoir, mais pas tous encore.

Mon congé de cette année 2009 sera un « retour au pays » ;

En effet, je suis de nouveau affecté dans les quartiers Nord de Marseille où j’ai déjà servi de 1994 à 1998.

Cette nomination était en préparation depuis plusieurs années, mais j’avais demandé qu’on me laisse au moins 4 ans à Koudougou où je venais d’être nommé.


Je prends l’avion à Ouaga ce 26 mai et atterrirai à Luxembourg le 27 mai où ma famille viendra m’accueillir. (C’est l’aéroport international le plus proche de mon « village » : 90 km)

Ainsi à partir du 27 mai et jusque mi septembre, vous pourrez me joindre à DIEULOUARD (France)

Mail : jacqueslacourbf@yahoo.fr le même toujours !



A partir de mi septembre, ce sera à Marseille (15°) avec le même mail:


Pour retrouver ce quartier dont voici une vue partielle :



Voilà donc pour moi une page qui se tourne après 28 passés au Burkina en 3 séjours.

J’ai posé ma petite pierre là où je suis passé : à Zaba, Dori, Aribinda, Tansila, Koudougou ;


J’ai vu naître des paroisses et des diocèses ;

J’ai vu l’œuvre immense des catéchistes dans les villages ;

J’ai vu grandir la foi dans le cœur d’hommes et de femmes qui ont découvert le Dieu d’Amour de Jésus-Christ ;

J’ai vu l’engagement de beaucoup au service de leurs frères et de leurs sœurs ;

J’ai partout été invité à donner le meilleur de moi-même, avec mes qualités et mes faiblesses !

Je sais que là où j’ai travaillé, d’autres continuent selon la grâce qu’ils ont reçue… et j’en rends grâce à Dieu.


Merci à toutes les communautés qui m’ont accueilli, communautés chrétiennes, communautés humaines et communautés de mes confrères.


Me voilà donc en route pour Marseille,

Faire mes bagages n’est pas une mince affaire… surtout que je suis de ceux qui emportent beaucoup trop de choses avec eux – on ne change pas si vite son vieux fond paysan !


Une autre page encore pour ma vie missionnaire dans une communauté nouvelle où je serai le plus jeune ! Etienne, Gérard et Jean-François m’y accueilleront en septembre.

Si vous passez un jour à Marseille, n’hésitez pas à me faire signe : on pourra au moins boire un pastis ensemble…. Et rendre visite à la « Bonne Mère ».



Que Dieu nous garde toutes et tous sur son chemin de Vie !

Avec toute mon affection et ma prière

Jacques

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Droit dans les yeux: Démocratie ou chefferie ?

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Droit dans les yeux

Démocratie ou chefferie ?


Tous les peuples d’Afrique ont applaudi à l’élection de Barack Obama, véritable alternance démocratique à la tête de la superpuissance américaine.


Mais vous n’imaginez pas l’immense tristesse des jeunes du Burkina, ceux du moins qui ne se contentent pas de danser le samedi soir, ceux aussi qui ne se laissent pas aller aux seuls amusements proposés par le pouvoir.

« Chez nous, il n’y a pas de démocratie » ; « Notre président n’est pas un président, c’est un chef coutumier » ; « regardez comme il a duré : 21 ans : il n’accepte pas l’alternance, il ne la veut pas, même avec un autre leader de son parti » ; « chef, il est chef et n’imagine pas un instant laisser sa place à un autre ; il veut mourir au pouvoir comme tous les chefs ; même pas une alternance à la russe Medvedev/Poutine… »


Et c’est vrai qu’au Burkina, certains principes élémentaires de la démocratie ne sont pas encore acquis tant ils se heurtent aux fondamentaux de la chefferie qui restent profondément ancrés dans la majorité de la population, mais surtout chez les chefs de toute nature qui semblent avoir bien du mal à entrer dans la modernité, mais surtout à renoncer à leurs privilèges.



Le principe de l’égalité et de la liberté des citoyens : homme ou femme, fils de chef ou paysan ordinaire, de condition libre ou de condition servile, « tous les hommes naissent libres et égaux en droits »,… Une longue marche à accomplir encore tant certains sont encore attachés à leurs privilèges et « plus égaux que les autres »! On pourrait mesurer ce principe au taux de remplissage des « cours des sœurs » par les filles en fuite qui se réfugient chez elles…


Le principe des élections libres et régulières et de la représentation des citoyens pour la création des lois et la gestion des collectivités publiques à tous les niveaux (de l’Etat à la commune). C’est de là que découle normalement l’alternance politique, « condition nécessaire mais pas suffisante » de la démocratie : les déclarations récentes de Mr le député Mahama Sawadogo, du groupe parlementaire CDP et qui conteste ce principe, nous prouvent que là aussi, le chemin à parcourir est encore bien long. « Le pouvoir corrompt », dit la sagesse populaire : le renouvellement des personnes favorise un réel renouveau qui empêche toute dérive autocratique. Il n’en est pas ainsi dans la chefferie où l’on meurt au pouvoir, et les luttes pour la succession deviennent alors particulièrement violentes…


Le principe de la discussion, selon lequel tout sujet important touchant à la vie de la nation doit être soumis, dans la mesure du possible, à un débat public, ouvert et rationnel. Ainsi les réformes sont possibles sans recours à la violence. On imagine ainsi qu’en vraie démocratie, soient consultés et écoutés les soignants sur la santé, les enseignants sur l’école, les paysans sur l’agriculture… La plupart du temps, il n’en est pas encore ainsi au Faso : Les OGM sont décidés sans les paysans, les accords sur les flux migratoires surprennent tout le monde, les grandes priorités d’infrastructures sont incomprises des populations… et les exemples sont très nombreux…C’est le chef qui décide encore et toujours…


Le principe de la séparation et du contrôle mutuel des pouvoirs qui devrait permettre une limitation et un partage des pouvoirs est prévu par le droit au Burkina, mais n’est pas appliqué : le parlement est une simple chambre d’enregistrement, la justice est soumise à l’exécutif… Là encore c’est le chef qui a le dernier mot en tout et chacun se soumet : tout cela est bien loin du modèle démocratique !



J’ai eu la chance d’être invité il y a quelques temps au « forum des citoyens de l’alternance » où un certain nombre de ces questions ont pu être posées publiquement. Mais suffit-il de remplacer un « chef démocrateur et durable » par un « chef démocratique » ? On n’aurait pas encore résolu le problème. Il s’agit réellement d’entreprendre cette longue marche (pour tout un peuple et pour ses chefs) de la chefferie vers la démocratie. Pour que chaque citoyen, chaque citoyenne, au-delà de toute manipulation et de toute peur, puisse s’approprier la part de pouvoir qui lui revient dans la gestion des choses de sa vie et de la vie de la nation.


Mais tant que les dirigeants (politiques, économiques, associatifs, syndicaux, etc.…) bloqueront toute évolution vers la démocratie, en refusant l’alternance, en se scotchant au pouvoir, en s’en nourrissant, eux et leurs proches au détriment du bien commun, cette marche de la chefferie vers la démocratie que tous aujourd’hui veulent pacifique, pourrait tourner au vinaigre.


Aujourd’hui, le Burkina Faso a désespérément besoin de leaders généreux, imprégnés de démocratie, passionnés par le développement de leurs peuples, soucieux d’associer toutes les populations à la gestion du pays, éveilleurs de conscience démocratique à tous les niveaux, travailleurs, désintéressés et sans mentalité partisane. Quand sortiront-ils de l’ombre ?



Père Jacques Lacour (BP 332 Koudougou)

jacqueslacourbf@yahoo.fr


(Cet article s’inspire librement pour une part de la page 32 d’une conférence du P. Mathieu Bere, sj : « La démocratie : théories et pratiques » Ouagadougou, 2009)


paru dans l'édition du mardi 19 mai 2009 du journal Le pays rubrique "Droit dans les yeux"

ici, en version électronique


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A la Une du Pays du 20/21 mai 2009

A la Une du Pays du 20/21 mai 2009



voir l'article:
http://www.lepays.bf/spip.php?article1914

mardi 12 mai 2009

Droit dans les yeux: carnet de visites

Droit dans les yeux: carnet de visites

Il n’y a pas un moment où, en visite quelque part, les gens ne me confient leurs soucis, ne me disent ce qui les préoccupent, ne m’interpellent sur leurs situations.

Visite dans la vallée du Sourou. J’écoute ce qui se dit :

A Nyassan, les gens ont vu arriver, selon l’ordre du Premier Ministre, le directeur de l’AMVS
(Autorité de l’Aménagement et de la Mise en Valeur du Sourou) et tous ses agents. Si le directeur est là « permanemment », il semble que ses agents font de temps en temps acte de présence : une heure par ci, un jour par là… et ils repartent à Ouaga, tant ils s’ennuient sur place au Sourou ; le travail des paysans ne les intéressent pas et ils n’ont rien à faire. De fait, l’AMVS ne sert à rien, sinon à percevoir les taxes sur les petits paysans et peut être aussi sur les « grands », mais là, rien n’est sûr, tant la gestion est opaque…
De grands projets supplémentaires sont prévus au Sourou : au Nord financés par les américains (qui exigent l’électrification), à l’Ouest financés par les arabes… L’eau suffira-t-elle ? Il paraît que oui ; mais les paysans savent que ce n’est pas sûr du tout… L’eau a déjà manqué et ruiné des récoltes et eux avec.

Les hippopotames sont protégés, c’est bien ; mais il y a eu trois morts d’hommes en quelques semaines, n’y a-t-il pas urgence à faire quelque chose ? Il ne s’agit pas seulement de récoltes gâtées ou de champs dévastés, il s’agit de morts d’hommes. Je lis une immense tristesse sur le visage de ceux qui me rapportent ces faits : les hippo valent ils plus que les hommes ? Soumission à des choix qui les dépassent et qu’ils ne comprennent pas.

Le prix des intrants ne cesse d’augmenter et cela décourage profondément les paysans qui, pourtant, aiment produire, travailler la terre pour nourrir le pays. Pourront-ils rester longtemps ? Beaucoup disent ne pas le savoir. Mais que faire d’autre ?

A Diedougou, le dirigeant de la coopérative qui a ruiné la moitié du périmètre par une gestion jalonnée d’incompétences et de malversations est à Ouagadougou, à l’abri de toutes poursuites. Les paysans auraient bien voulu le convoquer à la gendarmerie pour lui demander des comptes ; mais la gendarmerie a été priée de ne pas se mêler de la gestion de ce monsieur, de ne rien intenter en ce sens. Entre impuissance et découragement, les paysans ne savent plus à qui recourir et ils sont dissuadés de connaître la vérité… Qui donc en haut lieu a intérêt à protéger ce monsieur ? Une sombre histoire de famille ou de politique... Une solidarité dans les détournements... Où sont les dizaines de millions qui manquent et qui empêchent la production de repartir ?

Visite à Ye, dans le Sud du Nayala : j’écoute et je regarde.

En allant là-bas, je suis très touché : il n’existe plus de brousse, tout n’est plus que champs et villages. Y aura-t-il de la place pour tous demain ? Beaucoup de ceux à qui je parle ne sont pas des plus optimistes pour l’avenir.

Le maire n’habite pas ici. Grand absent de sa ville. Il réside ailleurs comme 70% des maires élus dans le cadre de la « communalisation intégrale » ; je préfère d’ailleurs souvent dire dans le cadre de la « CDPisation intégrale ». Je comprends mieux certains mécanismes qui ont joué, en particulier deux entendus dans les conversations :
= « si tu ne votes pas CDP, si vous ne votez pas CDP, vous n’obtiendrez rien ni pour votre commune, ni pour vous ».
= « Si tu critiques, si vous critiquez le PF, le PM ou le CDP, si vous parlez ‘mal’… on peut vous enfermer ».
Avec ces deux peurs là, pas difficile de rafler la mise et de mettre partout des « maires non résidents CDP », plus passionnés des grandes villes que de leurs communes, bien asservis au pouvoir central, et qui ne feront rien bouger qui ne soit « dans la ligne ».

Pour les élections prochaines, j’en profite pour expliquer au groupe avec qui je discute : « Prends tous les cadeaux qu’on t’offre, l’argent, les T-shirt, les casquettes, prends tout, tu en as besoin. Mais reste libre de voter pour qui tu veux : Quelqu’un peut il t’acheter. Non, tu n’es pas à vendre. Et puis, vote selon ton cœur. Celui qui a tenu ses promesses, tu peux voter pour lui ; celui qui défend les paysans, tu peux voter pour lui ; celui qui peut te fournir l’engrais à 12.000 F le sac – ils peuvent si ils veulent --, tu peux voter pour lui… »
« Mon père, c’est dommage que tu ne restes pas plus longtemps pour nous expliquer… »

Une chose m’effraie, ici, comme dans beaucoup de villages, c’est l’ « alcoolisation » des campagnes. Le « Sopal » se déverse sur le pays par barriques entières… Que cherche l’administration en laissant faire ainsi ?
Le dolo, le raam ne suffisent ils plus pour faire oublier les douleurs de la vie, un avenir que l’on pressent trop difficile ou complètement bouché ?

Et pourtant que de bonheur dans les rencontres, que de joie sur les visages.
Vient le moment de se quitter…
« Père, tu ne nous oublieras pas ? »
Comment pourrais-je vous oublier, vous, avec qui j’ai partagé les meilleures années de ma vie ?

Père Jacques Lacour (BP 332 Koudougou)

jacqueslacourbf@yahoo.fr


Paru dans l'édition du journal Le Pays du mardi 12 mai 2009, rubrique "droit dans les yeux" et dans l'édition électronique

mercredi 6 mai 2009

Droit dans les yeux: d’autres paroles du Pape…

Droit dans les yeux

D’autres Paroles du Pape… (pas seulement le préservatif !)



A l’occasion de la récente visite du pape en Afrique, les médias se sont focalisés sur les paroles qu’il a prononcées à propos du préservatif… et cela a fait complètement oublier ou passer sous silence les autres grands thèmes qu’il n’a cessé d’aborder et qui sont extrêmement préoccupants pour l’Afrique. Lors de son passage au Cameroun, il a remis un document de travail extrêmement intéressant aux évêques, et par delà, à tous les chrétiens et les hommes de bonne volonté d’Afrique… je vous invite à en lire cinq paragraphes qui pointent quelques injustices criantes sur le continent et nous interpellent aussi dans notre situation :



« 56. La dimension sociopolitique de la justice. Pour réclamer justice, certaines « minorités ethniques » ou régions lésées prennent les armes et déclenchent la guerre. Les émeutes et expulsions de populations allogènes dans un même pays sont des actes graves d’injustice qui passent souvent impunies. Car souvent, les institutions judiciaires et toutes celles qui luttent contre la corruption sont noyautées par les forces politiques. Ceux qui détiennent le pouvoir utilisent les agents de la sécurité pour mater les citoyens qui expriment des opinions contraires aux leurs. D’autres formes d’injustice sont mentionnées : la peine de mort, le traitement inhumain des prisonniers, souvent en surnombre dans les maisons d’arrêt ; des délais excessifs de procès ; la torture des prisonniers ; l’expulsion des réfugiés au mépris de leur dignité.



« 57. La dimension socioéconomique de la justice. Le Mécanisme Africain d’Évaluation par les Pairs (MAEP) cherche à identifier les formes et les causes de la corruption qui sévit sur le continent, et qui restent impunies. Les ressources naturelles sont confisquées et dilapidées par quelques groupes d’intérêt. La mauvaise gestion, les détournements de fonds publics, l’exode des capitaux vers les banques étrangères contre lequel l’Église qui est en Afrique avait déjà élevé la voix au dernier Synode, sont là des formes d’injustice qui demeurent impunies et contre lesquels l’Église doit prêter sa voix aux sans-voix.



« 58. Les travailleurs agricoles sur lesquels repose une grande partie de l’économie africaine sont victimes d’injustice dans la commercialisation de leurs productions, souvent payées à des prix très bas, fixés paradoxalement dans certaines régions par les acheteurs eux-mêmes. La population déjà défavorisée ne fait que s’appauvrir davantage. La campagne de semences d’Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), qui prétend assurer la sécurité alimentaire ne doit pas faire ignorer les vrais problèmes des agriculteurs : le manque de terre arable, d’eau, d’énergie, d’accès au crédit, de formation agricole, de marchés locaux, d’infrastructures routières, etc. Cette technique risque de ruiner les petits exploitants, de supprimer leurs semences traditionnelles et les rend dépendants des sociétés productrices des OGM. À cela s’ajoute le problème du changement climatique dont les effets se font sentir dans les zones arides, compromettant les gains modestes des économies africaines. Les Pères synodaux peuvent-ils rester insensibles à ces questions qui pèsent sur les épaules des paysans ?



« 59. La dimension socioculturelle de la justice. La culture est également le lieu d’injustices à examiner et à éradiquer, notamment le népotisme et le tribalisme qui sont des travestissements du devoir d’aide à son « frère ». La femme continue d’être assujettie dans toutes les régions sous diverses formes : les violences domestiques, expression de la domination des hommes sur la femme ; la polygamie qui défigure le visage sacré du mariage et de la famille, aussi par la compétition qu’elle engendre entre coépouses et enfants ; le manque de respect de la dignité et des droits des veuves ; la prostitution ; la mutilation des organes génitaux des femmes. Dans le rapport des nations, la mondialisation est un phénomène qu’il sied de considérer dans sa dimension légale, administrative et pratique. Car l’Afrique est devenue vulnérable face à l’envahissement des modèles des puissances militaires et économiques.



« 60. Le système éducatif demeure inadéquat : des classes d’élèves et étudiants en surnombre et des rapports enseignant/élèves ou professeur/étudiants anormaux. Les programmes éducatifs sont orientés vers la formation de chercheurs d’emplois et non de créateurs d’emplois. Le taux de chômage, par le fait même, galope car tous n’arrivent pas se faire employer. Compte tenu de l’engagement de l’Église dans le système éducatif, les Églises particulières souhaitent que les appels des Pères synodaux orientent et stimulent la recherche de ceux qui en ont la charge. »



Ce texte, s’il venait à tomber dans les mains du ministre de l’agriculture pourrait l’aider à réfléchir, en particulier par rapport aux OGM… Cette parole d’une grande autorité morale ne pourrait elle peser dans le débat en cours aujourd’hui au Burkina ? Le pape n’est inféodé à aucune multinationale semencière et recherche le bien des paysans… Puissions-nous, avec lui, devenir sensibles à toutes les questions qui pèsent sur les épaules des paysans.



Dans ce texte, les questions évoquées sont celles qui nous touchent dans notre quotidien. J’espère qu’un jour nos pères évêques du Burkina sauront actualiser pour nous dans nos situations concrètes ces paroles venues du Vatican. Et cela, pour donner force et courage à tous ceux qui travaillent dans le sens de la justice et de la paix et qui ont souvent l’impression de travailler à contre courant… sans l’encouragement explicite des grandes autorités morales du pays.



Père Jacques Lacour (BP 332 Koudougou)

jacqueslacourbf@yahoo.fr



Ce texte a été publié dans le journal "Le Pays", rubrique "droit dans les yeux", le mardi 5 mai 2009. edition papier et édition électronique.


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