Le Point.fr - Publié le 23/08/2012 à 10:33
Didier Raoult tord scientifiquement le cou au mythe du "vrai Français" dans un pays où le métissage est généralisé.
Les créations de mots et de concepts peuvent servir à déguiser des termes dont l'usage est interdit par la loi ou par l'évolution des moeurs. Au cours de la dernière campagne électorale, la question des "Français de souche" a émergé comme une évidence pour ceux qui ont employé l'expression. Habitant à Marseille, la croisée du monde méditerranéen, et ayant eu la chance d'y voir arriver un des meilleurs spécialistes scientifiques mondiaux de l'étude génétique des origines humaines, j'ai naturellement examiné cette question du point de vue du scientifique.Il est d'abord bien difficile de définir géographiquement ce qu'est la France. En effet, ses frontières n'ont cessé de changer au cours des siècles. Marseille pendant longtemps n'a pas été française, le comté de Nice et la Savoie n'ont rejoint la France qu'il y a peu de temps, et l'Algérie a été un département français de 1830 à 1962. L'Alsace et la Lorraine étaient allemandes pour une partie du XIXe siècle et du XXe siècle. Les habitants de Saint-Louis au Sénégal eurent un statut de citoyens français dès la Révolution française, et cette citoyenneté s'étendait à quatre communes du Sénégal en 1916 ! Qu'en est-il des Français des Comores ? Ceux de Mayotte restés attachés à la France sont français, pas ceux des autres îles devenues indépendantes. Ainsi, la France est une variable géographiquement instable, un mythe.
Le droit du sang génétiquement infondé
Concernant la génétique, les choses sont beaucoup plus complexes. Ainsi comment différencier la part de la population française vivant en Europe qui est issue des vagues d'envahisseurs celtes, germains, romains, huns, arabes (lors des grandes invasions du Moyen Âge,) Normands ou de tous les peuples méditerranéens dans le sud de la France, et la part née des migrations économiques des autres pays d'Europe, d'Afrique et d'Asie ? Il existe seulement quelques îlots ayant conservé une certaine homogénéité génétique, dont les Basques qui ne sont regroupés dans aucune nation unique.La réalité est qu'il n'y a aucune superposition entre le territoire français et son origine génétique. D'ailleurs, les récentes études génétiques ont montré qu'on trouvait en France un mélange des trois grands groupes d'hominiens archaïques que nous connaissons actuellement : Neandertal, Cro-Magnon et l'homme de Dénisova, originaire de Sibérie, dont les gènes nous ont peut-être été apportés par les Huns. Dans tous les cas le métissage est généralisé.
Ainsi le "droit du sang" n'est pas génétiquement fondé. D'autant que l'on estime que 5 à 10 % des enfants ne sont pas du père officiel, mais d'un inconnu, dont on ne connaît pas les gènes ! La définition retenue en France et aux États-Unis du "droit du sol" dépend du périmètre du pays au moment où l'enfant naît ou de la nationalité des parents.
Je redoute que le terme "Français de souche" ne serve qu'à exclure ceux que l'on ne veut pas comme Français...
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