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Droit dans les yeux :
La crise alimentaire continue…
Ce n’est pas parce que la récolte 2008 dans le monde entier a été sensiblement meilleure, qu’il faut croire que la crise alimentaire est finie. Loin de là ! N’oublions pas qu’elle touche le monde entier et qu’il ne faut pas espérer y échapper… sans prendre des mesures énergiques et rapides.
La lecture de la presse ces jours ci est plus que révélatrice de l’angoisse qui gagne peu à peu de nombreux dirigeants dans le monde qui ne savent plus comment faire face au long terme alimentaire qui risque de devenir pour de très nombreux pays la priorité numéro un : « manger d’abord »
La production agricole reste dépendante des aléas climatiques et il semble, d’après de nombreuses études dont certaines parfaitement officielles, que les épisodes de sécheresse et les pays atteints vont se multiplier dans les proches années à venir… Argentine, Corne de l’Afrique, Chine, Inde… Les prévisions ne sont pas bonnes. Et ayant vu de mes yeux les famines des années 70 puis 80 au Burkina, je crains que soient trop vite oubliés, tant par les paysans que par les dirigeants, ces épisodes dramatiques de notre climat… Déjà le Kenya nous annonce que 10 millions de ses habitants sont directement menacés de disette…
Dans le monde, les céréales sont de plus en plus recherchées pour produire de la viande. Il faut
Le maïs s’étant moins bien vendu cette année aux Etats-Unis ou en Ukraine pour cause de surproduction, il sera sans doute moins semé cette année ; ainsi les prix augmenteront à nouveau parce que la demande de maïs destiné à la fabrication d’agrocarburants (éthanol) ne fléchit pas : Le président américain, Barack Obama, a en effet décidé de maintenir le développement de cette filière, bien que la quasi-totalité des usines productrices de cet agrocarburant soient en dépôt de bilan !
Attention aux terres utilisées au Burkina pour produire des agrocarburants ! Que le jatropha ne vienne pas concurrencer les cultures vivrières sur les mêmes terres comme à Boni… où, semble-t-il, même la forêt classée aurait été un moment menacée.
D’ailleurs, il serait, dans ce contexte, de plus en plus urgent de se poser la question de la production du coton. A quoi sert il de produire des millions de tonnes de coton, d’être le « premier producteur », si on doit le vendre à perte et qu’au lieu de nous apporter des devises, il nous enfonce dans le trou de la dette ou dans la dépendance des multinationales ?
Ne vaudrait il pas mieux revenir doucement à la culture des céréales dont les prix repartent sérieusement à la hausse (tout en restant très « volatils », très variables), surtout pour nous protéger et assurer notre souveraineté alimentaire en ces temps difficiles où les crises se surajoutent les unes aux autres : crises financière, alimentaire, économique, énergétique, environnementale, sociale….
Ne faudrait il pas veiller à ce que les terres du Burkina ne soient pas spoliées par des multinationales sulfureuses, comme AgroEd où Mr Millon est déjà l’objet d’enquêtes pour malversations financières ?
A ce titre, il serait bon de réfléchir au drame que vit le peuple malgache, nouvelle illustration d’une économie mondiale ultralibérale qui étrangle les peuples : crise alimentaire des peuples (le SMIC là-bas est à 20.000 Fcfa, comme le sac de riz), voracité des spéculateurs (une société coréenne prétend à une concession de
Le prix des céréales, tant au niveau mondial que régional ou national sera l’objet de spéculations surtout de la part des commerçants, des spéculateurs de métier, grâce à la collusion entre les acteurs politiques et économiques. Il restera très variable…
Si les paysans font de la « rétention », comme certains le prétendent, j’en suis très heureux : à la soudure, ils n’auront pas à payer quatre fois le prix de ce qu’ils auraient vendu à la récolte et ils s’en porteront mieux. Vu les capacités de gestion de
Mais il n’est pas sûr que cette analyse soit tout à fait juste : d’énormes quantités de grains sont parties vers le Ghana et vers le Mali. Un de mes confrères de l’Ouest me disait récemment : « tout est parti, tout, de véritables trains de camions ont déjà tout emporté, je les ai vus »
S’il en est ainsi, les plus pauvres auront donc de moins en moins accès à la nourriture. Ca va être un gros problème pour les dirigeants, surtout dans les villes qui ne produisent pas suffisamment de richesse pour nourrir leurs populations urbaines:
« Qu’allons nous faire des plus pauvres ? »
Une réponse, c’est de les transformer en mendiants par les dons systématiques du Programme Alimentaire Mondial… et c’est commencé !
Une autre façon de se poser la question serait :
« Qu’allons nous faire avec les pauvres ? »
Une des réponses pourrait être :
Au lieu de les encourager à quitter leurs terres pour la ville où ils ne trouveront plus de concessions et seront nourris par l’aide internationale comme des mendiants, leur permettre – autant qu’il sera possible – de cultiver mieux leurs terres, de se perfectionner, de trouver un prix rémunérateur pour leurs céréales… pour cela un soutien massif de l’état, sans arrière pensées, est nécessaire : semences (mais pas OGM ! pitié !), engrais, petite mécanisation agricole, conseils…
Que Dieu bénisse les paysans du Burkina
Qu’Il leur donne la force de nous nourrir tous
Et qu’ils trouvent enfin le respect qui leur est dû !
Père Jacques Lacour (BP 332 Koudougou)
paru dans le journal "Le Pays", rubrique "droit dans les yeux" du 3 mars 2009:
http://www.lepays.bf/spip.php?article1171
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