mardi 13 janvier 2009

Droit dans les yeux : Le prix de vente du riz local, Un enjeu de société au Burkina

Droit dans les yeux :

Le prix de vente du riz local,
Un enjeu de société au Burkina



Il a beaucoup été question ces derniers temps du prix du riz local au Burkina. Et beaucoup de voix se sont élevées pour dire qu’il est trop cher, pour demander qu’il soit encadré, ou pour proposer des prix non rémunérateurs pour les producteurs.


Il y a d’abord un enjeu d’information ; et on a laissé parfois dire des choses horribles sur la qualité des différents riz. L’ensemble des médias et des services d’état n’a pas su montrer la différence qu’il y a entre du « vieux riz » (destiné même parfois à la consommation animale en Thaïlande) et du « bon riz » de nos plaines irriguées. On ne nous dit même pas qu’au niveau de l’état, il y a un débat pour savoir si oui ou non il faut interdire d’importation le riz de plus de 10 ans d’âge. Des voix s’y refusent en disant : « mais cela va fâcher nos donateurs ! ». Il faudrait éviter de se moquer de nos populations et des consommateurs. Quelle qualité propose t on au consommateur ?

« Le bon riz » de Thaïlande récemment récolté se vend à Ouaga à 700 F le kg, le « mauvais riz » à 400 F le kilo. Le riz étuvé du Sourou de cette récolte 2008 commence à se vendre à 340/360 F le kilo. Il faut comparer ce qui est comparable : Qui osera dire qu’il est « trop cher » aujourd’hui ?

Il y a un enjeu de cohésion sociale. Il serait trop facile d’opposer les producteurs (des champs) et les consommateurs (des villes). Et de s’accuser les uns les autres. C’est inutile et mauvais de créer de telles divisions. L’Etat a toujours rêvé de nourrir les villes « pas cher » à n’importe quel prix, même en sacrifiant ses agriculteurs. L’augmentation très forte des prix de la nourriture dans le monde doit aujourd’hui lui faire revoir ses stratégies. Si hier, les importateurs de riz ont cassé notre agriculture avec la complicité des politiques pour satisfaire les consommateurs peu regardants des villes, c’est sur notre agriculture qu’il faut désormais compter pour nourrir les villes ; mais cela n’est pas expliqué aux consommateurs que l’on cherche très malhonnêtement à opposer aux producteurs. Ne pas augmenter les salaires et vouloir faire baisser tous les prix n’est pas la solution.


NE PAS FAVORISER UN EXODE DE LA MISERE


Un troisième enjeu est celui d’une agriculture familiale viable. Voulons nous un vrai revenu pour les paysans ? Qu’au-delà des coûts de production, ils puissent trouver dans leur travail un revenu décent pour leurs familles (scolarité, santé,…) En un mot, qu’ils puissent vivre bien à la campagne et que cela puisse freiner l’exode rural. Le revenu paysan doit aussi leur permettre d’investir dans leur terre, leur outil de travail et les outils dont ils ont besoin. En l’absence de crédit pour les agriculteurs de notre pays, que leurs revenus au moins leur permettent d’investir. Les producteurs, à cause de tout cela et après de nombreuses années de souffrance, proposent 170/175 F le kg de riz paddy, sachant que dans les grandes plaines, les coûts de production s’élèvent à 95/110 F par kilo. Ils savent qu’à ce prix, ils pourront continuer à travailler. Ils peuvent le céder à leurs femmes pour étuvage à 150 F le kg, mais ça reste alors une affaire familiale.


Aujourd’hui, les commerçants proposent 140F le kilo ; seuls les producteurs mal organisés et ne disposant pas de crédits (Il y en a hélas trop) sont contraints de le vendre à ce prix ; mais « ce n’est pas arrivé ! ». La SONAGESS, sans doute pas pressée d’acheter le riz local proposait encore récemment 115 F le kg ! (Le riz pluvial peut à la rigueur s’acheter à ce prix, pas le riz des plaines).


Dans une récente déclaration, le chef de l’Etat a manifesté son choix que les villes se développent à un rythme plus rapide. Qu’il fallait même favoriser l’exode rural. Mais ce serait une grave erreur que d’encourager un exode de la misère qui n’amènerait dans les villes appauvries par les crises que des jeunes vendant des cartes de téléphone aux carrefours pendant que des femmes, parfois bien vieilles, concassent des cailloux aux portes de ces mêmes villes. A des villes qui ne peuvent encore loger leurs enfants ni leur fournir de travail et encore moins peut être demain les nourrir, il faut préférer aujourd’hui des campagnes qui, par une surproduction agricole bien gérée, créeraient de la richesse et pourraient fournir à tous la nourriture qui convient. Un prix de vente du riz local bien rémunérateur pour le producteur donnera peut être au Burkina une clé pour son décollage économique.


Deux bonnes nouvelles :


1) Le prix du sac de maïs qui était de 6.000 F à la récolte (un prix lamentable pour le producteur) serait passé à un prix plus « raisonnable » : 10.000/11.000 F : C’est bien, les paysans seront encouragés à produire.


2) Je viens de lire un appel d’offres pour l’électrification de la vallée du Sourou. Enfin ! Bon, de l’appel d’offres à la réalisation, il y a encore un long chemin, mais c’est le bon chemin. A quand un médecin ?



Koudougou, le 8 janvier 2008
Père Jacques Lacour
jacqueslacourbf@yahoo.fr


article paru le mardi 13 janvier 2009 dans la rubrique "Droit dans les yeux" du Journal "Le pays"


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