vendredi 3 avril 2009

Changer ?

Changer

laurent joffrin

Le monde ne changera pas tout seul : tel est le véritable enjeu de ce G20 réuni à Londres aujourd’hui. Il est en effet un cliché dont il faut se débarrasser : la crise va bouleverser les structures du capitalisme contemporain. Funeste illusion. Le but politique des classes dirigeantes occidentales, il faut bien le savoir, se situe exactement à l’inverse. Pour elles, la récession qui s’est déclenchée il y a six mois n’est qu’une parenthèse désagréable qui doit aboutir à la restauration de l’ordre ancien. Le cycle ouvert par la victoire de Ronald Reagan en 1980 a créé un paradis pour les riches. Inégalité vertigineuse des revenus, baisse spectaculaire des taux d’imposition, retrait de la puissance publique et affaiblissement continu des valeurs collectives : c’est le monde qui s’est construit en trente ans sous la férule du tout marché. C’est le monde que les puissants veulent conserver à tout prix.

Pour y parvenir, ils sont prêts à toutes les concessions verbales. C’est la vieille maxime du Guépard: pour que rien ne change, il faut que tout change. De cette ruse probable de l’Histoire, on trouve un exposé lumineux dans un livre à paraître que chacun doit méditer, pondu par le Cercle des économistes et intitulé Fin de monde ou sortie de crise ? Les grandes démocraties peuvent se contenter d’injecter des liquidités dans l’économie et de toiletter les règles qui régissent le secteur financier. C’est la «sortie de crise». Elles peuvent aussi, écoutant l’aspiration des plus modestes, rétablir l’équilibre mondial entre solidarité collective et avidité individuelle. Dans ce cas, il leur revient de réformer les systèmes fiscaux dans le sens de la justice, de créer un secteur public financier qui rende aux peuples la maîtrise de la monnaie, d’instaurer une gouvernance européenne et mondiale de l’économie pour encadrer «l’exubérance irrationnelle des marchés», de réformer et d’étendre l’Etat-providence, de mettre fin au gaspillage dangereux des ressources de la planète. Dans ce cas, nous changerions progressivement de monde. Le haut de la société n’en veut pas. Les peuples le demandent : rarement réunion du G20 aura été aussi politique.

Économie 02/04/2009 à 06h51 Libération

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