mercredi 29 avril 2009

Des "études" ruineuses et inutiles

Droit dans les yeux :

Agriculture, pauvreté et OGM…



Dans un pays où 80% de la population vit en milieu rural et vit directement ou indirectement de l’agriculture, j’ai envie de crier à l’escroquerie quand on parle d’une nouvelle enquête sur la pauvreté qui va, parait-il, coûter 2,5 milliards de francs… Les enquêtes ont été faites : la pauvreté a été analysée, décortiquée, mise en statistiques, décrite, inventoriée dans le « cadre stratégique de lutte contre la pauvreté », belle étude descriptive s’il en est ! Mais toujours, il y a une obstination têtue à refuser l’évidence. Si l’on veut lutter contre la pauvreté, il faut lutter contre ses causes, et surtout ses causes en milieu rural.

Juste après avoir quitté le pouvoir, Jacques Chirac disait : « L'autosuffisance alimentaire est le premier des défis à relever pour les pays en développement. Des outils existent. Nous savons tous ce qu'il faut faire : infrastructures rurales, stockage, irrigation, transport, financement des récoltes, organisation des marchés, micro crédit, etc.

L'agriculture vivrière doit être réhabilitée. Elle doit être encouragée. Elle doit être protégée, n'ayons pas peur des mots, contre une concurrence débridée des produits d'importation qui déstabilisent l'économie de ces pays et découragent les producteurs locaux.

…..Il faut miser sur les hommes, sur les producteurs locaux, qui doivent percevoir la juste rémunération de leurs efforts. Les échanges doivent obéir à des règles équitables, respectant à la fois le consommateur et le producteur. La libre circulation des produits ne peut pas se faire au détriment des producteurs les plus fragiles. »


Nous savons tous ce qu’il faut faire : alors pourquoi ne le faisons nous pas ? Pourquoi, les PTF, les donateurs, les bailleurs de fonds n’insistent ils pas sur ces actions élémentaires que réclament la CPF depuis toujours ? Pourquoi Monsieur Amos Tincani ne dit il pas plus clairement qu’au Burkina, on ne fera pas reculer la pauvreté si l’on ne soutient pas davantage l’agriculture ? Pourquoi le gouvernement refuse t il de financer le secteur agricole de manière conséquente ? Il faut financer et protéger l’agriculture comme le font tous les pays du monde : avec des subventions conséquentes, avec des prix rémunérateurs, avec des barrières douanières réalistes. Il faut imiter pour cela les grands pays développés et non écouter leurs stupides conseils d’ouvrir nos marchés : Le Japon n’a jamais voulu ouvrir ses marchés au riz étranger et il donne au Burkina ce qu’il est tenu d’acheter aux américains : il n’en veut pas chez lui pour ne pas déstabiliser ses riziculteurs !

Si vraiment 2,5 milliards de francs sont disponibles pour cette étude sur la pauvreté, invitons les bailleurs à reverser cet argent en crédit aux paysans… et ils éviteront le ridicule d’ajouter études sur études qui ne servent plus à rien tant qu’on ne s’attaque pas aux causes de la pauvreté…. Pour cela, écoutons les paysans !



Et il y a encore des gens qui prétendent que les OGM pourraient tirer le monde des famines et de la malnutrition. Les dernières nouvelles de ce côté-là sont pour eux particulièrement mauvaises :

= une étude américaine vient de prouver que sur 10 à 15 ans, les OGM (en particulier le maïs et le soja) n’améliorent pas du tout les rendements. Les cultures non OGM (comme le blé) voient leurs rendements progresser de la même façon sur la même période.

= Une autre étude vient de prouver aussi que les produits phytosanitaires utilisés (en particulier le Roundup) non seulement détruisent à long terme la fertilité des terres, mais qu’ils sont aussi particulièrement nocifs pour les populations : cancers, malformations congénitales, maladies allergiques diverses se révèlent dans toutes les localités proches d’épandage de ces produits par avion.

= un « bug » de laboratoire a fait livrer à l’Afrique du Sud des « semences OGM stériles » : des milliers d’hectares sont couverts de maïs sans épis ni grains ! Monsanto a promis de dédommager les agriculteurs trompés, mais il n’est pas sûr que les « billets verts » se cuisinent comme le maïs et nourrissent de la même manière. Le maïs OGM va-t-il devenir ainsi une arme de destruction massive dont disposent les multinationales semencières ?

= Enfin, un grand pays comme l’Allemagne vient de se ranger parmi ceux qui interdisent le maïs OGM tant les risques se révèlent de plus en plus violents pour les populations, l’environnement, la biodiversité et la dépendance.



Ne cherchons pas sur des fausses pistes des solutions qui nous sont toutes proches : pour lutter contre la pauvreté en milieu rural, ce ne sont pas des études nouvelles qu’il faut, ni des OGM, ni de l’agrobusiness….

Beaucoup de lecteurs me reprochent de n’être pas favorable à l’agrobusiness, mais que voyons-nous au Faso ? : Des personnalités proches du pouvoir, ou du pouvoir même, ou des opérateurs économiques prennent des terres où ils « jouent » à l’agriculture, car ils n’en ont pas besoin pour vivre. Ils bénéficient très souvent d’avantages que ne peuvent même pas espérer les paysans : matériels agricoles, tracteurs, intrants, exonérations diverses, main d’œuvre à bas prix… pour des résultats même pas significatifs, eux-mêmes n’étant pas paysans dans l’âme, n’aimant la terre que pour les bénéfices qu’elle pourrait rapporter, pas comme la mère nourricière. Ils espèrent ou même organisent des opérations spéculatives sur des terres qu’ils ont prises aux paysans. Qu’espérer de ces prédateurs : des récoltes plus abondantes, un respect de l’environnement… non, des profits, et pour cela des cultures de rentes tournées vers la vente à l’étranger. Et comme en Irlande en 1850, les paysans mourront de faim quand ces industriels agricoles exporteront leurs récoltes pour leur seul enrichissement. Est-ce ce modèle que nous voulons pour ce pays ?


Par contre, si les paysans pouvaient gagner sécurisation foncière, matériel agricole, tracteurs, intrants, exonérations aux mêmes conditions, s’ils étaient accompagnés pour vendre leurs récoltes, alors, il n’y aurait pas besoin de nouvelles « études » ruineuses et inutiles, alors la pauvreté reculerait dans les campagnes, alors l’espérance renaîtrait chez les paysans.


Père Jacques Lacour (BP 332 Koudougou)

jacqueslacourbf@yahoo.fr


publié sur le site du journal "Le Pays" du 28 avril 2009, rubrique "droit dans les yeux" à l'adresse suivante:

http://www.lepays.bf/spip.php?article1687

avec 8 messages de forum


1 commentaire:

jmbolzinger a dit…

un seul mot: bravo!