jeudi 4 septembre 2008

"Contre-pouvoir" et contre le pouvoir, ce n'est pas la même chose

Quotidien Le Pays n° 4193 du 2/09/2008

DROIT DANS LES YEUX

"Contre-pouvoir" et contre le pouvoir, ce n’est pas la même chose

Depuis la naissance de la Fédération des associations pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (FEDAP/BC), je n’en finis pas de m’interroger sur le "mélange des genres" au Burkina Faso.


Dans mon humble compréhension des choses, les partis politiques sont chargés de proposer une vision du pays, un programme de gouvernement et des hommes pour l’exécuter. Et celui qui parvient au pouvoir par la voie démocratique, fait des choix, a des priorités, met en œuvre des programmes qui satisfont une partie de la population, mais en mécontentent forcément une autre. Celle qui est représentée en particulier par les partis d’opposition qui voulaient le pouvoir avec d’autres programmes et, éventuellement, une autre vision du pays.

Hors conquête du pouvoir réservée d’abord aux partis politiques, pour ce qui concerne la vie de tous les jours, il existe dans les sociétés démocratiques des "contre-pouvoirs" qui veillent sans cesse à ce que les intérêts de tous soient défendus, sans souci aucun de conquête directe du pouvoir, sans s’identifier à un parti, ni à un homme politique. Ce qui leur permet de travailler dans la durée, quel que soit le régime ou l’alternance.

= Ainsi, les associations de parents d’élèves : elles ne roulent pour aucun parti, mais pour que les enfants soient scolarisés dans les meilleures conditions, avec les meilleurs maîtres et les meilleurs programmes possibles. Ces associations dialogueront avec tous les régimes en gardant toujours cet objectif pour leurs enfants. Et même si elles tirent leur inspiration d’une certaine vision de la société, elles ne cherchent pas le pouvoir politique et, en principe, ne s’alignent ni sur un parti, ni sur un homme politique.

= Ainsi, les organisations paysannes qui font des propositions pour tout ce qui concerne le monde rural, choix des productions, plans cadres, définition de politiques agricoles, questions foncières, exploitations familiales, agrobusiness… Ils dialogueront avec tous les régimes pour faire passer leur vision, éventuellement exiger des choses, ou manifester de légitimes revendications.

= Ainsi les syndicats qui vont défendre les droits des travailleurs, une politique de l’emploi et des salaires, éventuellement des intérêts sectoriels… Ils vont négocier autant qu’ils le pourront sur ces sujets, avec tous les régimes quels qu’ils soient, mais veilleront à ne s’aligner sur aucun.

= Les ONG qui travaillent sur des programmes hydrauliques vont, par exemple, demander à l’Etat un plan de programmation et des détaxations pour ce secteur qui touche des populations très précarisées, mais n’ont pas à faire allégeance à un pouvoir ou à un autre.

= Le mouvement altermondialiste lui-même se situe aussi dans cette catégorie pour être essentiellement force de propositions, mouvement d’idées, pour infléchir des politiques d’où qu’elles viennent, et remettre l’homme et non le seul profit au cœur de l’économie et de la politique.

Tous ces "contre-pouvoirs" ont un rôle extrêmement important dans une société démocratique, celui de porter des projets, des propositions et de ne jamais se satisfaire des seules propositions du pouvoir en place.

Si ces structures venaient à soutenir sans réserve un parti politique, ou un homme politique, elles cesseraient alors d’inscrire leur action et leurs objectifs dans la durée et risqueraient fort de les réduire, de les discréditer ou de les détourner en faisant allégeance à un parti ou à un homme politique.

Il est vrai qu’au Burkina, il me semble qu’il y ait une confusion permanente entre "pouvoir du chef traditionnel" et "fonction présidentielle". D’où une étrange sacralisation du pouvoir qui rend parfaitement inutiles les élections présidentielles, tant il est impossible dans la mentalité traditionnelle de "changer un chef" sans raison majeure. Les Européens, même s’ils ont compris ce phénomène, continuent cependant de financer ce type d’"élections" qui les arrange au plus haut point tant qu’il maintient au pouvoir leurs amis politiques.

Dans ce même sillage des "réélections", sont nés les ABC (amis de Blaise Compaoré) et les tanties. Voici maintenant la Fédération des associations pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (FEDAP/BC). Restera-t-il de l’espace pour une société civile non liée au pouvoir ?

N’y aurait-il pas confusion du pouvoir et des contre-pouvoirs ?

N’y aurait-il pas confusion du politique et de la société civile ?

N’y aurait-il pas confusion du pouvoir traditionnel et du pouvoir moderne ?

Ces jours-ci, je suis encore plus troublé : la distribution de mil semble faire de cette nouvelle structure "apolitique" soutenant directement le président du Faso une organisation caritative ou est-ce plutôt le début d’une campagne électorale. Que Dieu nous préserve des confusions !

Veillons à nous rappeler qu’être contre le pouvoir (ou pour lui), et être un "contre-pouvoir", ce n’est pas la même chose. Et ce serait dommage pour la démocratie de les confondre.

Une très bonne nouvelle : le Premier ministre vient d’exiger que le directeur de l’AMVS (Autorité de la mise en valeur de la vallée du Sourou) et ses ingénieurs résident effectivement sur place, au Sourou. Une nouvelle pleine de bon sens attendue depuis tellement longtemps ! Des logements, il y en a, quoi que l'on dise, mais peut-être que cela fera venir enfin l’électricité, l’eau potable, un médecin, des chemins carrossables, et peut-être même, une bonne connection !

Père Jacques LACOUR (BP 332 Koudougou)



mardi, 2 septembre 2008

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