A l’occasion de la cérémonie du lancement de ce fonds, j’ai été très touché par l’intervention de Monsieur Benoît Ouédraogo ; la voici intégralement (je souligne les passages « forts »)
(…) Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d’abord, avec votre bienveillante permission, exprimer ma gratitude aux organisateurs de la présente cérémonie pour l’honneur qui m’a été fait d’avoir été retenu pour livrer mon sentiment au sujet du Fonds pour la Promotion de l’Accès à la Justice dont c’est aujourd’hui le lancement officiel.
Lorsque la proposition m’a été faite d’apporter un témoignage, je suis resté quelque peu décontenancé : que puis je bien apporter qui n’ait déjà été pensé et bien pensé par les initiateurs de ce projet qui n’ont vraiment pas besoin de ma contribution pour trouver les justifications pertinentes à la création du Fonds ?
Mais puisqu’en tant que laïc je dois assumer ma part de responsabilité dans l’édification de notre Eglise Famille au Burkina, je vais essayer.
Dans la société moaaga d’aujourd’hui, qui est celle que je connais un peu, il n’est pas rare de voir des veuves, dépouillées par la famille du mari défunt qui s’approprie les biens meubles et immeubles laissés par leur fils ou frère au détriment de la veuve et des orphelins qui sont ainsi condamnés sans recours, à vivre dans la précarité, il nous est également donné de voir dans ce milieu, de jeunes, mais surtout de vieilles femmes accusées sans preuve de sorcellerie. Elles sont alors battues, humiliées et bannies de la société. Nous ne saurions taire non plus le cas du mariage forcé qui est une pratique encore courante dans nos villages. S’il est souvent vécu par la femme dans un silence douloureux, il débouche parfois sur des situations tragiques.
Comment comprendre que de telles pratiques soient encore observables aujourd’hui, à l’orée du troisième millénaire ? Il me semble qu’il faut en rechercher les causes fondamentales dans le droit coutumier et les normes éducatives de la société moaaga.
Les règles qui président au fonctionnement de la société, de même que les canons éducatifs en usage portent en eux des germes de discrimination, d’iniquité, d’injustices sociales graves. Ainsi par exemple :
= L’homme est, par essence, supérieur à la femme. De ce fait, elle est dévolue, tel un bien meuble, en héritage au petit frère de son mari défunt.
= La femme est « une étrangère » dans la famille de son mari. De ce fait, elle ne saurait hériter des biens laissés par celui-ci et elle ne saurait avoir un droit de propriété sur la terre ;
= Les enfants sont la propriété exclusive du mari. C’est pourquoi les orphelins sont arrachés à leur mère et placés sous la tutelle des oncles ou frères du père défunt.
Au regard d’une telle vision des choses, la veuve et l’orphelin, tout comme la femme accusée de sorcellerie sont sans défense dans le contexte de la société traditionnelle moaaga. Car il y a primauté, dans les faits, de la norme juridique traditionnelle (connue et intériorisée parce que inscrite dans la culture) sur la norme juridique moderne en vigueur.
Or, notre pays adhère à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui proclame que :
« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils…doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.
« Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi.
« Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi. »
Au demeurant, comment pourrions nous, en tant que chrétiens, perdre de vue que la personne humaine est créée à la ressemblance de Dieu et est de ce fait sacrée et donc inviolable ?
C’est pourquoi la création du Fonds pour la Promotion de l’Accès à la Justice au bénéfice des « sans voix » et des « sans droits » est une initiative heureuse qu’il convient de saluer, parce que ce fonds se révèlera, à n’en pas douter, comme un puissant instrument de réhabilitation des victimes de l’exclusion dans leur dignité d’Homme.
Enfin, il paraît évident que ce nouvel instrument, voulu par notre conférence épiscopale, symbolise la fidélité de notre Eglise Famille à l’enseignement du Maître qui nous exhorte à nous aimer les uns les autres comme Lui même nous a aimés : jusqu’au don total de soi. « L’homme est le remède de l’homme » dit la sagesse populaire. Dans cet ordre d’idée, à la manière du bon samaritain, le Fonds m’apparaît comme la main secourable qui pansera les plaies ouvertes sur les corps ensanglantés des victimes de nos ostracismes, leur permettant ainsi de passer des conditions infrahumaines où l’on veut les réduire, à des conditions plus humaines.
Alors, je souhaite longue vie au Fonds pour la promotion de l’Accès à la Justice comme témoin de l’amour concret et efficace que porte l’Eglise Famille de Dieu au Burkina Faso à nos frères humains en quête de notre générosité et de notre solidarité.
Je vous remercie
Ouagadougou, le 28 juin 2008
Benoît OUEDRAOGO.
(Président du FONADES)
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