mercredi 3 septembre 2008

A propos des « stagiaires ».

Droit dans les yeux du mardi 27 mai
paru dans le quotidien "Le Pays" (version papier) du 27-5-08.

A propos des « stagiaires ».

Par trois fois au cours de ces derniers mois, des prêtres ou des religieuses m’ont interpellé : « Jacques, parle des stagiaires ! Il y en a tant qui souffrent, qui sont exploités et qui ne gagnent rien !... »

Je ne parle pas de ces jeunes, au cours de leur formation, qui font un stage pratique d’une durée variable, partie prenante de la formation, comme le font les élèves de l’ENSP dans des dispensaires ou des unités de soins pour valider leurs études et leurs diplômes.

Non, je parle ici de ceux et celles qui ont terminé leur cycle d’études, obtenu leur diplôme et qui cherchent du travail. Stagiaire, en attente d’un contrat, bénévole en attendant, travailleur non payé… je ne sais trop quel est leur statut.

Les jeunes, eux, ont besoin de « commencer » dans la vie professionnelle et chacun sait combien les emplois sont rares. Sans quelques années d’ « expériences », pas de véritable embauche possible. Les « patrons », nombreux, savent cela et proposent souvent à ces jeunes demandeurs d’emploi sous couvert de stages… du bénévolat intégral, avec parfois même pas la nourriture ni le savon.

En attendant de trouver autre chose, parce qu’il ne faut pas rester à rien faire sans risquer de perdre ce qu’on a appris, parce qu’il vaut mieux faire quelque chose que rien, les jeunes acceptent et fournissent la plupart du temps largement le travail d’un salarié… mais à titre gratuit, juste pour gagner de l’expérience et ajouter une ligne au CV (Curriculum Vitae)

Chacun d’entre nous, nous connaissons de ces jeunes que l’on fait ainsi travailler des années pour rien ! Et qu’on met dehors dès qu’ils osent suggérer que leur statut pourrait changer…

Je pense à cette ONG performante et compétente (et qui a un très bon nom) qui fait ainsi travailler à titre totalement gratuit deux jeunes juristes… avant de les rejeter pour en prendre deux autres…comme stagiaires également sur la même base. Est-ce juste ?

Je pense à cette clinique privée spécialisée dans les urgences où le personnel infirmier est essentiellement composé de « stagiaires » non payées alors que les « prix de journée » pratiqués dans cette clinique sont exorbitants… Est-ce l’âpreté au gain qui fait ainsi traiter le personnel ?

Je pense à toutes ces jeunes filles employées dans le privé et dans le public comme secrétaires stagiaires. On leur fait miroiter un emploi qui ne viendra peut être jamais, et en attendant, on les fait travailler sans contrepartie… et on les jette comme des kleenex le jour où elles ont trop duré pour en prendre de nouvelles…Est-ce normal ?

Le statut de ces stagiaires est un grand problème au Burkina Faso :

Qu’en dit l’inspection du travail qui ne peut pas ne pas être au courant et qui ferme les yeux sur ces employeurs indélicats (surtout s’ils ont des liens haut placés) ?

Qu’en dit le législateur pour ces vrais faux emplois pour lesquels il n’a rien prévu ? Qu’est ce qu’un stage ? Quelle est sa rémunération minimale, quelle loi va protéger ces « stagiaires » ?
Le législateur osera t il prévoir et légiférer pour protéger les personnes en matière de « stages » ?

Qu’en dit l’Etat qui, dans ses services, exploite ainsi de très nombreuses personnes, en leur laissant miroiter une embauche des années durant.
Se sent il responsable du secrétaire de préfecture à l’infirmière en milieu hospitalier qui attendent tous une « intégration » ou une « contractualisation » ?

Pour accéder à un véritable contrat de travail (quand ils y arrivent), ils sont très nombreux les jeunes que l’on exploite pendant des années sans les payer (ou si peu) !

Non, vraiment, dans notre pays, les jeunes ne sont pas aimés.


Bonne nouvelle :

Des sacs de riz d’un peu plus de 40 kg vendus pour 50 kg. Un commerçant « voleur » vient de se faire épingler ! Tant mieux pour les consommateurs ; mais les services de la répression des fraudes ont encore beaucoup à faire : cette pratique est plus répandue qu’on ne l’imagine… et surtout dans le Burkina profond où personne ne vient jamais rien contrôler… On comprend mieux pourquoi aussi les commerçants avaient fait barrage aux tines indéformables proposées sans succès au temps de la révolution : il faudrait pourtant y revenir pour des transactions commerciales plus justes.

Père Jacques Lacour (BP 332 Koudougou)
jacqueslacourbf@yahoo.fr


mardi, 27 mai 2008

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