jeudi 4 septembre 2008

"Y’en a marre des fausses factures !"

Quotidien Le Pays n°4179 du 12/08/2008

Droit dans les yeux

CORRUPTION

"Y’en a marre des fausses factures !"




Hier encore, quand j’ai demandé un reçu au pompiste, il m’a dit : "Combien, quelle somme dois-je écrire ?" Ce qui est indiqué à la pompe, lui ai-je répondu. Il répliqua alors : "Ah bon, ce n’est pas tout le monde comme vous ! "

Ainsi donc, les fausses factures (donc les "faux en écriture" selon le droit) semblent s’être infiltrées partout.

Comment aujourd’hui peut on croire quelqu’un qui vient avec une facture pour un remboursement ? A moins de bien connaître le fournisseur, ce n’est pratiquement plus possible aujourd’hui.

Des fausses factures sont délivrées pour intégrer de nombreux frais autres que la marchandise ou le service fournis : transports, annexes, commissions, ristournes, pourboires, etc. D’autres sont délivrées pour carrément tromper un service ou une ONG et pratiquer ainsi un véritable détournement. Enfin, certaines sont complètement fictives (mais plus risquées) et celles là peuvent contribuer à constituer des patrimoines; parmi celles-ci, il y a les projets financés deux fois auprès de deux partenaires ou services différents qui ne se connaissent pas.

Les fausses factures se pratiquent à petite et à grande échelle, mais on peut dire qu’elles ont tendance à se multiplier dangereusement, et à envahir un peu tous les domaines de l’activité économique. Y compris les faux devis ou les devis surfacturés dans les travaux publics.

Il faut savoir que le « faux en écriture » est punissable par la loi, même s’il s’agit d’un simple changement de date. Un autre pompiste m’a dit : « Nous, on laisse la date libre ; quand notre client a besoin de sa facture, il la date lui-même »

Mais surtout, la généralisation des fausses factures est une banalisation du vol, du mensonge et de la tricherie. Comment alors conseiller nos enfants dans ces domaines si nous-mêmes nous acceptons d’être "faux" dans la vie courante ?

Un ami postier à qui je confiais ce souci m’a répondu : « Mais tu sais, mon père, ceux qui ne le font pas sont rares, car alors, on ne peut pas devenir riche. » Je lui ai répondu : "Mais est ce que le but de la vie, c’est de devenir riche ? N’est ce pas plutôt fonder une famille heureuse, avoir un métier qu’on aime, vivre dans la paix ?"

Pour terminer cet article, je voudrais vous proposer une histoire fictive, juste pour réfléchir:

Un fonctionnaire a pris un jour en flagrant délit un commerçant qui avait commis une grave infraction. Le fonctionnaire établit la contravention qui s’élevait –selon les textes en vigueur – à 600 millions de francs CFA. Quelques heures plus tard, ce fonctionnaire reçut de son ministre un appel téléphonique : "Veuillez réduire la contravention à 300 millions." Le fonctionnaire essaya de se défendre et osa dire au ministre : "Mais comment allez vous faire pour nous payer ?" Le ministre lui répondit : "Ce n’est pas ton problème". Le fonctionnaire établit donc une contravention de 300 millions.

Qu’auriez vous fait à sa place ?

Je rappelle que cette histoire est fictive, même si certains peuvent se reconnaître dans une autre histoire qui pourrait y ressembler.

Je souhaite beaucoup de courage à Monsieur Tertius Zongo dans le combat qu’il a commencé pour assainir la vie publique au Burkina (félicitations, entre autres, pour l’affaire du non dédouanement des voitures de grosses cylindrées). Mais j’aimerais bien qu’il nous donne des conseils pratiques, à nous humbles citoyens témoins de tant de choses. Car dans les cas dont nous sommes témoins, comme dans la plupart des cas de "faux" en écriture, une dénonciation risque fort de se retourner contre celui qui a dénoncé : "diffamation, dénonciations calomnieuses, et autres…" Parfois les faits –avérés-- sont difficiles à prouver car ils relèvent souvent de l’oralité, mais surtout, les truands et les puissants ont, en général, de meilleurs avocats que les braves gens.

Père Jacques LACOUR
BP 332 Koudougou

jacqueslacourbf@yahoo.fr

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