Droit dans les yeux
"La vérité vous rendra libres" (1)
Les réactions n’ont pas manqué suite à la visite de la commission Justice et Paix de l’Eglise catholique, présidée par Monseigneur Thomas Kaboré aux Femmes en noir (FEN) qui se rendent chaque premier dimanche du mois sur la tombe de Norbert Zongo et de ses compagnons. Cette visite se situe, je pense, dans la logique de la motion qui avait été adoptée à la dernière semaine sociale de l’Eglise catholique et qui disait le désarroi engendré par le non- lieu dans l’affaire Norbert Zongo.
Favorables ou défavorables, ces réactions nous ont bien réjoui, parce qu’elles attestent qu’il n’y a et ne peut y avoir aucune indifférence par rapport à cette tragédie.
Je voudrais comparer cet évènement et ses suites à l’expérience de ceux qui circulent à bicyclette sur les petites pistes de brousse. Quand un arbre tombe sur le chemin, quand une ravine ouvre un fossé dans la route, etc, on contourne l’obstacle en ouvrant un petit sentier et peu à peu, la route principale disparaît, tant les obstacles sont nombreux auxquels on ne remédie jamais. Le village s’isole, se coupe du monde, l’ambulance et les commerçants ne peuvent plus s’y rendre…A moins de réparer la route, le village souffrira et peut-être mourra.
On ne peut indéfiniment "contourner " les difficultés et les situations tragiques qui jalonnent nos vies et celle de la nation. Il est nécessaire d’aborder ces sujets difficiles, trouver les solutions, soigner et guérir ce qui doit l’être, faire advenir la vérité, réparer, etc.… On ne peut indéfiniment dire, "passons à autre chose», sous peine de détruire notre lien aux autres et d’étouffer avec nos questions non résolues. La confiance disparaît, la vie ensemble devient difficile, sinon explosive.
C’est ainsi que j’interprète l’intervention de cette commission : Monseigneur Thomas Kaboré, les membres de la commission, et bien d’autres ne sont pas des magistrats ni des enquêteurs et ne peuvent donc pas faire avancer ce dossier difficile sur le strict plan de l’enquête et de sa solution juridique. Mais ils nous rappellent que tant que des gens sont dans la souffrance et dans l’attente, la compassion exige d’être présents aux côtés de ceux qui souffrent, des victimes….
En venant rencontrer les FEN et encourager leur démarche, ils nous rappellent que la vraie paix, la paix sociale dont nous rêvons et qui permet à chacun de trouver sa place dans notre société, se construit sur la vérité et la justice, sans haine et sans violences.
La justice raisonnable, celle qui cherche, trouve et sanctionne les meurtriers et les commanditaires, celle qui dit le droit sans consacrer l’impunité, cette justice raisonnable n’a pas encore eu lieu dans cette affaire.
En attendant, les FEN, comme les mères de la place de mai sous d’autres cieux, nous rappellent à toutes et à tous – et pas seulement aux autorités politiques – que les engagements pris lors des journées de pardon sont loin d’avoir été remplis.
Il serait bon de cesser de tourner autour de nos problèmes, d’oser regarder notre passé pour le guérir, pour aborder l’avenir dans une vraie paix, avancer sur les chemins de la réconciliation pour qu’enfin, le pardon demandé et donné dans la lumière de la vérité, nous rende enfin libres pour avancer !
Que Dieu bénisse le Burkina, ses filles et ses fils !
Père Jacques LACOUR
jacqueslacourbf@yahoo.fr
(1) Parole de Jésus citée par l’Evangile de St Jean
Le Pays du 24 juillet 2007
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