Cher Nicolas Sarkozy,
En tant que chargée de mission auprès de Xavier Bertrand pour la diffusion de la culture palliative en France, je me permets de réagir à la déclaration que vous avez faite dimanche dernier en faveur d'une éventuelle loi sur l'euthanasie.
Que vous affirmiez "que l'on ne peut pas rester les bras ballants devant la souffrance d'un de nos compatriotes qui appelle à ce que ça se termine, tout simplement parce qu'il n'en peut plus", cela vous honore.
Mais que vous sembliez ignorer les progrès immenses qui ont été faits sur le plan médical et sur le plan légal, pour qu'aucune souffrance en fin de vie ne reste sans réponse, cela me semble incompréhensible.
Aujourd'hui, avec la loi Léonetti, toute personne qui veut mourir parce qu'elle n'en peut plus, doit être entendue et soulagée. On peut arrêter les traitements qui prolongent, on peut soulager même si ce soulagement écourte la vie, on peut endormir doucement quelqu'un dont la souffrance morale est trop vive. Voilà ce que sont les bonnes pratiques en fin de vie aujourd'hui.
Mais vous semblez l'ignorer. Vous faites croire aux Français que la seule manière de respecter le désir d'une personne qui n'en peut plus, c'est de lui donner la mort. Le mot "euthanasie" est un mot dangereux. Vous ne devriez pas l'utiliser pour désigner votre souci de prendre en compte la souffrance de ceux qui sont en fin de vie. Quel message faites vous passer à tous ceux qui souffrent parce qu'ils sont handicapés ou gravement malades? "Oui, demandez la mort, c'est tout ce que nous pouvons faire pour vous!"
Je vous écris au nom de tous ceux qui depuis des années se battent pour qu'on améliore les conditions du mourir dans notre pays. La loi Léonetti est une bonne loi, mais elle n'est pas encore appliquée partout. Quoiqu'en disent ses adversaires, elle peut résoudre toutes les situations dramatiques en fin de vie, mais cela demande de la compétence, de l'écoute et un engagement solidaire.
Ce que la loi ne résoud pas, c'est la situation de ceux qui ne sont pas en fin de vie et veulent qu'on les aide à se suicider. Avez-vous pensé aux conséquences d'une loi qui autoriserait les médecins à donner la mort? Que fera t'on lorsque les personnes handicapées, très âgées, ou gravement déprimées demanderont massivement la mort, parce qu'elles auront compris que notre société n'a pas d'autre réponse à leur offrir?
Votre déclaration de dimanche dernier nous fait faire un bond de plusieurs mois en arrière. Elle ne représente en aucun cas une avançée.
Si vous voulez vraiment vous engager aux côtés de ceux qui souffrent, pourquoi ne prendriez vous pas l'engagement de faire appliquer les lois qui existent? Pourquoi ne pas prendre l'engagement :
1°) de rendre obligatoire la formation aux soins palliatifs pour tous les médecins et infirmières de notre pays, afin que d'ici cinq ans il n'y ait pas un endroit en France où l'on meure sans recevoir les soins compétents.
2°) de financer le congé d'accompagnement prévu dans la loi du 9 juin 99 afin que toutes les familles puissent accompagner un des leurs gravement malade ou mourant. Vous savez que si certaines personnes n'en peuvent plus, c'est qu'elles sentent qu'elles sont devenues un poids pour les leurs. Elles veulent les soulager en mourant. Devons nous aller dans leur sens?
Ces deux mesures, qui sont dans le rapport que j'avais remis en 2003 à Jean-François mattéi, changeraient radicalement la manière de répondre aux souffrances de nos compatriotes en fin de vie. Aucun ministre jusqu'à maintenant n'a eu le courage de les prendre.
Marie de Hennezel
chargée de mission
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