mercredi 3 septembre 2008

Donner

Donner…

Parce que je suis chrétien, et que tout homme est mon frère, que toute femme est ma sœur, la présence du pauvre, du mendiant plutôt (= du pauvre « visible », de celui qui vient demander), me dérange et m’interpelle !

Donner de mes ressources, de mon temps, de mon argent,
Ecouter, même et surtout quand je ne peux solutionner le problème par un don,
Compatir et laisser la blessure de l’autre être ma blessure.

Donner ? D’abord, cela peut soulager ma conscience à moindre frais, à défaut de résoudre le problème de l’autre. Une aide ponctuelle n’est souvent pas une solution… nous le savons tous, mais nous continuons à donner quand même.

Donner aussi pour me libérer de mon avarice et de mon âpreté au gain, pour retrouver un cœur libre comme celui de St François. Alors peu importe si mon don va là où il y en a le plus besoin : « Donne, distribue aux pauvres… » ( = débarrasse toi de ton argent qui t’enchaîne ???)

Donner parce que je suis de tempérament « dépendant » des autres (genre 2 de l’énnéagramme, par exemple) et que je ne peux pas ne pas donner… éventuellement en croyant, par mon don, sauver le monde ! Apprendre à accueillir ce type de tempérament m’a aidé à comprendre certaines personnes, incapables, sinon malades, de ne pas donner… même parfois l’argent des autres !

Donner enfin, parce que j’ai écouté, accompagné, discerné (avec d’autres ???) pour donner ce coup de pouce qui aidera la personne à s’en sortir. (Mais cela suppose du temps… et on n’a jamais le temps…)

Mais donner peut être un alibi : Un petit billet me débarrasse assez facilement d’un(e) importun(e)… (Il est parfois tellement plus compliqué de refuser en expliquant … que de donner… un peu)

Mon don risque fort aussi ici, en Afrique, de détruire des solidarités traditionnelles existantes que l’on n’a pas fait jouer, ces solidarités réelles dans les villages, moins fortes en ville (mais qui existent encore plus que l’on croit, dans un rapport de réciprocité plus que de gratuité).

Mon don risque de faire croire à l’autre que l’argent pousse sur les arbres dans les jardins du blanc et fausse son rapport à l’argent « facile »…

Mon don risque de l’enfoncer dans la mendicité et dans la dépendance (quel joli pouvoir cela me donne sur lui, ou sur elle…)

Mon don risque d’aller vers des catégories qui me plaisent (jeunes filles) ou vers des projections de mon histoire personnelle (bourses d’études)…

Parfois aussi, je refuse en disant que je n’ai rien… C’est en général faux car tout le monde sait que ce n’est pas parce qu’on a que l’on donne, mais parce qu’on aime ! Celui ou celle à qui je refuse n’a pas eu le bonheur de me plaire, n’a pas déclenché mon amour ! (Et puis, on ne peut pas « aider/aimer » tout le monde, n’est ce pas ?)

Quand j’étais à Marseille, il est évident que ma situation socio-économique ne me permettait de résoudre AUCUN problème de ce type qui m’était exposé par ceux qui venaient vers moi partager leurs difficultés… Je ne pouvais qu’écouter et les gens m’en étaient très reconnaissants.

Ici, tout est plus compliqué : ma situation socio-économique me permettrait assez souvent de solutionner par un petit (ou un gros) billet quantité de « petits problèmes », mais ce n’est pas cette image que je veux donner, … celle du « blanc riche et distributeur ». D’autres ont largement contribué à donner cette image dont je suis prisonnier aujourd’hui et qui me colle, malgré moi, à la peau. Les chemins de la responsabilisation et de la solidarité ne passent sans doute plus par là.

Jacques Lacour

jacqueslacourbf@yahoo.fr



dimanche, 11 novembre 2007 -

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